A la lecture d’un cahier des charges, tu as peut être déjà constaté que l’acheteur public ne te demandait pas un prix ou un forfait mais plusieurs prix à renseigner.
Stratégiquement, y a t’il un effort à faire sur certains prix plutôt que d’autres ? Comment vont être analysés tes propositions de prix ?
Je te propose une petite visite guidée dans le monde merveilleux du jargon des marchés publics relatif à l’offre de prix.
En premier lieu, il faut distinguer ce qui correspond au besoin initial de l’acheteur (achat certain) des besoins additionnels (dont la commande est conditionnée et donc un peu plus aléatoire).
Dans un second temps, nous verrons comment ces différents prix sont analysés par l’acheteur public et sur lesquels il est stratégiquement intéressant de concentrer ses efforts.
Comment distinguer les prix correspondant au besoin de l’acheteur des prix additionnels
Le jargon marchés publics te dit tout. Encore faut-il le comprendre et c’est justement ce qu’on voit maintenant.
Offre de base – tranche ferme d’un marché à tranches : le socle du besoin de l’acheteur public
Le jargon est diffèrent selon le type de marché auquel tu postules.
Marché à forfait/forfaitaire : Offre de base / solution de base = achat certain
Comme son nom l’indique cette notion correspond au besoin premier de l’acheteur public. C’est la base de son besoin, celui qu’il a défini comme correspondant au minimum requis pour répondre au marché.
L’offre de base correspond au descriptif présenté dans le CCTP
Répondre à l’offre de base est en principe obligatoire. Cette notion se rencontre dans les marchés à prix global et forfaitaire avec DPGF. Le total du DPGF correspond à l’offre de base.
Marché fractionné ou marché à tranches : montant de la/des tranche(s) ferme(s) = achat certain
Ce type de marché est structuré en plusieurs parties :
- Plusieurs tranches fermes appelées phases qui se déroulent dans le temps. Toutes les tranches seront exécutées avec certitude.
- Une ou plusieurs trancher ferme (exécutées de manière certaine) et une ou plusieurs tranches dites optionnelles.
Une tranche ferme est systématiquement exécutée. En revanche, l’exécution d’une tranche optionnelle n’est pas certaine mais relève d’une décision expresse de l’acheteur public en cours d’exécution du marché.
Un marché à tranche permet à l’acheteur public de mieux gérer son achat lorsqu’il n’est pas certain d’avoir besoin d’acquérir les prestations objet de la tranche optionnelle (fonction des résultats des prestations issues de la tranche ferme par exemple) ou qu’il n’est pas certain d’obtenir les financements nécessaires à l’achat de ces prestations “supplémentaires”.
Il permet également à l’acheteur d’avoir une vision globale du cout de la prestation et de “tenir” les prix à l’avance.
Pour les candidats, les prestations sont déjà définies puisque le contenu des tranches sont intégralement prévues dans le cahier des charges. Chaque tranche constitue un ensemble cohérent et autonome et c’est là une différence avec la simple option ou prestation supplémentaire éventuelle.
La seule incertitude réside dans l’affermissement ou non de la tranche optionnelle et le cas échéant sur la date d’affermissement.
La tranche optionnelle est définie dans le cahier des charges :
- sa consistance (description technique des prestations objet de cette tranche),
- la détermination de son prix (actualisation du prix si plus de 3 mois s’écoulent entre la date de fixation du prix initial et celle du début d’exécution de la tranche.),
- les modalités d’affermissement de la tranche (ordre de service ou notification en LR+AR)
- Eventuellement diverses indemnités facultatives (indemnités d’attente si retard dans l’affermissement et/ou indemnité de dédit si absence d’affermissement au final)
Accord cadre : un minimum pas forcement garanti
Dans les marchés à prix unitaires c’est le BPU qui correspond à la palette de besoin de l’acheteur public sans engagement sur un montant “ferme” de commande.
Le marché peut être sans mini maxi, avec un maxi mais sans mini ou avec un mini mais sans maxi. Les mini maxi peuvent, le cas échéant, être exprimés en €, mais également en quantités ou volumes, tout est possible.
Cette technique d’achat permet à l’acheteur public de bénéficier de prix unitaires (le plus souvent) pour un besoin qu’il ne sait pas définir dans son volume ou sa consistance précise à l’avance. Par conséquent, il est difficile de tabler sur un minimum assuré pour le titulaire du marché.
La présence d’un minimum en valeur donne une indication. De la même manière, le montant du DQE donne en principe une représentation de ce que pourrait être le besoin estimé par l’acheteur public. Néanmoins, le DQE n’est pas contractuel et son montant n’engage pas l’acheteur public dans un minimum de commande.
De la même manière le minimum de commande engage la responsabilité de l’acheteur public. Il sera tenu d’indemniser le titulaire de son manque à gagner c’est à dire de sa marge nette ce qui est forcément inférieur au minimum en valeur indiqué dans l’accord cadre.
Pour plus de détail sur l’accord cadre, je te renvoie à l’article dédié.
Option – Variante imposée – PSE – tranche optionnelle : un additionnel qui peut faire la différence
Voyons la signification et les différences entre ces notions.
Option
Les options correspondent à une notion du droit de l’Union européenne qui figure dans les modèles d’avis d’appel à la concurrence.
Elles constituent des prestations susceptibles de s’ajouter, sans remise en concurrence, aux prestations commandées de manière ferme dans le cadre du marché public et qui doivent être prévues dans le contrat initial.
Il peut s’agir :
- de marchés publics de travaux ou de services similaires [articles R. 2122-7 du code de la commande publique];
- de tranches optionnelles (anciennes « tranches conditionnelles ») [articles R. 2113-4 à R. 2113-6 du code de la commande publique] ;
- de la reconduction du marché public [articles R. 2112-4 du code de la commande publique] ;
- de certaines formes de clauses de réexamen.
L’acheteur se réserve le droit de lever ou non ces options.
Les options se distinguent des variantes dans la mesure où :
- elles ne sont jamais à l’initiative de l’opérateur économique ;
- elles ne se substituent pas à l’offre de base lorsqu’elles sont levées.
Si on reprend les 3 cas d’options présentées ci-dessous, on se rend compte que tu n’as de prise que sur la tranche optionnelle les autres options étant non chiffrées au moment de la remise des offres.
Attention en revanche, certains acheteurs utilisent toujours la notion d’option pour désigner des options techniques. Il s’agit en fait de l’ancienne appellation. La nouvelle est les PSE.
Elles sont facilement reconnaissables. Ce sont des prestations complémentaires en moins-value ou en plus-value ne modifiant pas substantiellement le besoin. Elles l’améliorent ou au contraire le dégradent quelque peu afin de rentrer dans l’épure du budget par exemple.
Variante
Les variantes sont des offres complémentaires permettant à l’entreprise de faire valoir une solution s’écartant de certaines spécifications techniques du cahier des charges et permettant de répondre au besoin de l’acheteur public.
Elles peuvent être présentées en plus de l’offre de base ou se substituer à elle si la réponse à la solution de base n’est pas obligatoire (à vérifier dans le RC)
Elle peut être à l’initiative de l’entreprise ou à la demande de l’acheteur public. Un article complet sur comment se démarquer en présentant des variantes est à ta dispo sur le site si tu veux aller plus loin sur cette question stratégique.
Zoomons sur la variante à l’initiative de l’acheteur public dite variante imposée.
L’acheteur peut imposer le dépôt obligatoire d’une variante. Cela s’appelle une “variante imposée”. A défaut d’y répondre, l’offre sera regardée comme incomplète et donc irrégulière. Ce point est précisé dans les documents de la consultation ; dans le RC classiquement.
Classiquement, les variantes constituent « des modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation ».
Qu’elle soit imposée ou simplement autorisée, la variante, si retenue, se substitue à la solution de base décrite dans les documents de la consultation, dans ses éléments qui en diffèrent ;
PSE
Une PSE signifie littéralement prestation supplémentaire éventuelle. C’est une option technique (ancienne appellation). Elle vient en plus de la solution de base ou la solution variante qui est là pour répondre au besoin. C’est une prestation additionnelle qui sera ajoutée au besoin de l’acheteur s’il a le budget. Elle peut également représenter une moins-value permettant à l’acheteur en cas de mauvaise surprise sur les prix de rentrer dans son budget en “dégradant” son projet sur des points qui lui semble admissible.
Il se réserve le droit de la commander ou non lors de la signature du marché.
Les PSE se distinguent des variantes décrites ci-dessus dans la mesure où :
– dans toutes les hypothèses, leur définition appartient au seul acheteur qui doit faire figurer dans les documents de la consultation les spécifications techniques précises qui les régissent ;
– si elle est retenue, la PSE ne se substitue pas à la solution de base décrite dans les documents de la consultation mais vient s’ajouter ou se soustraire à ce qu’il sera possible d’exécuter dans le cadre du marché public ;
– le choix de retenir une PSE ne découle pas de l’application des critères d’attribution.
Elles se distinguent des options dans la mesure où la possibilité de les lever ou non dépend d’une décision de l’acheteur au moment de la signature du marché public et non encours de marché.
Comment sont analysées tes propositions de prix et sur quel prix porter ses efforts
Comprendre pour mieux anticiper
Ordre d’analyse des prix dans l’analyse des offres
L’objectif est de déterminer l’achat certain : choix entre la solution de base ou la variante ainsi que
Déterminer l’achat certain
Etape 1 : Analyse de la solution de base des candidats avec les variantes « équivalentes » le cas échéant
Cette analyse peut comparer les solutions de base entre elles ou les mixer avec des solutions variantes si la réponse à la solution de base n’était pas imposée dans le RC. Elle peut également analyser les solutions de base et des variantes si certaines entreprises ont répondu aux 2 et du moment qu’elles sont « équivalentes » dans le sens où elle répondent à l’intégralité du besoin initial tel que décrit dans le cahier des charges.
En d’autres terme, la solution de base comme la variante, qu’elle soit imposée ou non, doivent concourir à la satisfaction du besoin indiqué dans le cahier des charges et peuvent se substituer l’une à l’autre.
PS : Bien regarder ce qui est indiqué dans le RC parce que le plus souvent l’acheteur public exige la réponse à la solution de base en plus de propositions variantes.
Etape 2 : Analyse de la Solution de base (ou équivalent) + variantes “libres” / Tranche(s) optionnelle(s)
Les variantes libres sont dans ce cas de figure des propositions additionnelles qui ne se substituent pas à la solution de base mais l’améliorent ou la dégradent quelques peu pour permettre de présenter plusieurs possibilités à l’acheteur public. Elles sont à l’initiative de l’entreprise.
Au regard de leurs prix et de leur « consistance », elles seront analysées ou non.
Par exemple, une variante qui altère le projet ou propose une solution incompatible avec celui ci ne sera pas analysée.
Les tranches optionnelles doivent également être considérées à ce stade.
Lors de l’analyse, l’acheteur public aura peut être déjà connaissance que certaines tranches ne seront pas affermies. Dans ce cas, il peut les retirer de l’analyse et ne considérer que celles qui ont une chance de l’être.
Les offres de base, les tranches optionnelles et les variantes sont jugées sur la base des critères et modalités définis dans le règlement de consultation (RC).
C’est l’offre qui est identifiée comme économiquement la plus avantageuse qui est retenue. Cette notion correspond à un équilibre entre la qualité (valeur technique de l’offre) et son prix.
Déterminer le choix des prestations additionnelles (en plus ou moins value)
Etape 3 : Analyse des PSE
Lorsque l’acheteur impose aux candidats de fournir ces prestations en complément de l’offre, elles sont prises en compte lors de l’évaluation comparative des offres.
Le choix de retenir une ou plusieurs PSE ne dépend pas de l’application des critères d’attribution.
L’acheteur doit évaluer et classer les offres, en tenant compte de l’offre « de base » et des prestations supplémentaires.
Cela impose à l’acheteur public de procéder à autant de classement des offres qu’il y a de combinaisons possibles.
Ainsi, pour reprendre l’exemple indiqué dans la fiche consacrée à l’examen des offres sur le site du ministère de l’économie et des finances, dans l’hypothèse où trois PSE sont prévues, il conviendra de procéder à 8 classements différents des offres retenues:
- l’offre « de bases » seule;
- l’offre de base avec la PSE 1;
- l’offre de base avec la PSE 2 ;
- l’offre de base avec la PSE 3 ;
- l’offre de base avec les PSE 1 et 2 ;
- l’offre de base avec les PSE 1 et 3 ;
- l’offre de base avec les PSE 2 et 3 ;
- l’offre de base avec les PSE 1, 2 et 3.
Le choix de retenir telle ou telle PSE appartient toujours à l’acheteur public. C’est un choix purement économique en lien avec le budget consacré à la réalisation de la prestation et les niveaux de prix issus de la mise en concurrence.
C’est l’offre qui est identifiée comme économiquement la plus avantageuse, dans le classement correspondant au choix de l’acheteur (offre « de base » seule ou offre de base plus telle ou telle PSE), qui est retenue.
Sur quel prix faire l’effort par type de marché et être stratégique
La voie royale : la solution de base et les variantes « équivalentes »
La solution de base reste le nerf de la guerre.
Si les propositions variantes sont autorisées. Et si tu es en capacité de proposer une variante plus compétitive financièrement mais permettant de rivaliser avec l’objectif indiqué au cahier des charges voire le dépasser, tu détiens la voie royale pour remporter un marché.
Ne néglige surtout pas la valeur technique de ta proposition variante car c’est bien l’ensemble des critères de jugement des offres qui s’appliquent aux propositions variantes et non seulement le prix.
Bien évidemment tu peux proposer plusieurs variantes et ainsi multiplier tes chances.
L’outsider : la tranche optionnelle
A réfléchir… Tu as une chance que la tranche ne soit pas affermie alors que la tranche ferme sera commandée de manière certaine.
Gonfler un peu le montant de la TF et bénéficier ainsi d’un peu de trésorerie peut être tactiquement intéressant. En outre, les offres sont jugées sur le binôme TF + TO.
Par conséquent, pas de gros risque du moment que ton offre globale reste compétitive. Bien évidemment si la TO en question est écartée, ton plan tombe à l’eau… En principe, le cahier des charges précise les conditions d’affermissement et tu dois pouvoir mesurer le risque.
PS : Bien vérifier dans le RC que la pondération n’est pas différenciée entre prix TF et prix TO.
Il peut donc être stratégiquement intéressant de minorer le cout de la TO et de gonfler un peu celui de la TF d’autant que la « sanction » de l’offre anormalement basse s’entend sur l’offre globale.
La cerise sur le gateau : les variantes libres
Des variantes en plus values et en moins value permettront d’ajuster la qualité des prestations au budget imparti.
C’est le moment d’être créatif en apportant ton expertise et proposer des variables d’ajustement non prévu dans le cahier des charges. L’objectif est d’apporter un vrai plus au projet ou au contraire faire baisser un poste de dépense. Cette économie réalisée permettra de libérer du budget pour apporter des améliorations que tu proposeras clé en main.
Une moins value en proposition variante est toujours un plus à ne pas négliger et peut faire basculer le classement. Bien évidemment il faut t’assurer préalablement que ta proposition n’est pas exclue par le cahier des charges et ne compromet pas le projet.
Je pense que nous avons fait le tour de la notion de structure de prix en marché public. Si tu as des questions, n’hésite pas à rejoindre le groupe Facebook pour poursuivre cette discussion.
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