Tu en as peut-être entendu parler. Le code de la commande publique vient d’être modifié au moment où j’écris cet article [octobre 2020]. Il facilite désormais la possibilité de percevoir une avance sur le montant de son marché public.
En effet, le décret n°2020-1261 du 15 octobre 2020 introduit 3 modifications de taille :
- L’avance n’est plus plafonnée à 60% du montant initial TTC du marché
- Une garantie financière n’est plus obligatoire pour les avances supérieures ou égale à 30%
- Les modalités de remboursement des avances sont précisées
Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux marchés publics pour lesquels un avis de publicité a été envoyé à compter du 18 octobre 2020. Par conséquent, elles ne s’appliquent pas aux marchés en cours d’exécution ni même aux consultations en cours à cette date.
C’est un petit tsunami car le principe en droit des marchés publics est de payer après la réalisation de la prestation et avoir apposé sur la facture la mention » service fait”.
Sur le papier en tout cas, l’avance pourrait être de 100%, délivrée avant tout commencement d’exécution du marché.
Quelle utilisation sera faite de cette possibilité par l’acheteur public ? Quel degré de contrainte les textes mentionnent t’ils et que peut espérer une entreprise titulaire d’un marché public ?
C’est ce que je te propose de voir maintenant.
Sur quel montant d’avance peux tu compter de manière certaine ?
Une avance consiste au versement d’une partie du montant du marché avant que l’entreprise ne commence à réaliser la prestation objet du marché.
Conditions de versement de l’avance en marché public
L’avance est obligatoirement proposée par l’acheteur public si 2 conditions sont réunies (Art. R2191-3 CCP) :
- Montant initial du marché supérieur à 50 K€ HT
- Durée d’’exécution du marché supérieure à 2 mois.
Très clairement l’avance te permet d’obtenir rapidement de la trésorerie et je te conseille de l’accepter systématiquement.
Dans le cas d’un marché à tranche optionnelle, une avance est versée au titulaire pour chaque tranche affermie (Art. R2191-13 CCP) qui répond aux 2 conditions ci dessus.
En cas de marchés reconductibles, on considère isolément chacun des marchés périodiques successifs. Le calcul des 50 000 euros HT devra s’opérer sur le montant de la période initiale et aux marchés reconduits, sur le montant de chaque reconduction (Art. R2191-15 CCP).
Pour les accords-cadres à bons de commande, il faut se référer au montant minimum annuel de l’accord-cadre, s’il en existe un.
Si ce dernier est supérieur à 50 000 euros HT, l’avance est accordée en une seule fois sur la base de ce montant minimum (Art. R2191-17 CCP).
En revanche si l’accord-cadre ne comporte aucun minimum, l’avance est accordée pour chaque bon de commande satisfaisant deux conditions :
- Le bon de commande dépasse le montant de 50 000 euros HT ;
- La durée d’exécution du bon de commande est supérieure à 2 mois.
Pour les accords cadre à marchés subséquents, chaque marché subséquent ouvre droit à une avance s’il répond aux 2 fameuses conditions reprises en début de chapitre.
Pour résumer, si la commande quelque soit sa forme est supérieure à 50 000 € HT et s’exécute sur une période d’au moins 2 mois ouvre, tu as droit à une avance.
L’acheteur public peut prévoir le versement d’une avance dans les cas où elle n’est pas obligatoire (Art. R2191-4 CCP).
Accorder une avance peut encourager les entreprises à participer à la consultation.
Grace à cette avance de trésorerie, les offres peuvent être plus compétitives. Moins de préfinancement de leurs prestations à réaliser et donc moins de répercussion sur leurs prix.
Tu dois te référer au contenu du cahier des charges.
La réglementation fixe les conditions minimales d’attribution (montant et durée du marché ainsi que les montants minimums obligatoires afférents).
Bien évidement l’acheteur public peut faire plus et proposer une avance plus importante.
Tu peux également le suggérer dans le cadre de la négociation ou en proposition variante 😉 si ces possibilités sont « ouvertes » dans le RC (Règlement de consultation).
Montant de l’avance obligatoire en marché public
Le montant minimal de l’avance est fixé comme suit :
- A minima 5 % du montant initial TTC du marché lorsque la durée du marché est inférieure ou égale à 12 mois ;
- A minima 5 % d’une somme égale à douze fois le montant initial TTC du marché divisé par sa durée exprimée en mois lorsque la durée du marché est supérieure à douze mois (Art. R2191-7 CCP)
Ce minimum est porté à :
- 10% pour les PME si les dépenses de fonctionnement de l’acheteur public sont supérieures à 60 millions €/an (décret n°2019-1344 du 12 décembre 2019).
- 20% pour les PME dans les marchés publics passés par l’Etat.
Pour savoir le budget de ces dépenses de fonctionnement des acheteurs publics “collectivité” et prétendre à un minimum de 10% tu peux consulter ce site très pratique.
L’acheteur public n’est pas toujours au fait de ce type de dispositions. Du coup un rapide contrôle de ta part et une question candide lors du jeu des questions réponses en cours de consultation peut permettre de doubler le montant de l’avance.
Tu peux le faire « plus sioux » et n’en parler que dans le cadre de ta réponse. Dans ce cas, il faut être sure de toi.
Il n’y a plus de maximum fixé par les textes suite au décret n°2020-1261 du 15 octobre 2020.
Une avance le plus souvent « garantie »
Les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent conditionner le versement de l’avance à la constitution d’une garantie à première demande portant sur tout ou partie de l’avance (Art. R2191-7 CCP).
Les deux parties peuvent s’accorder pour substituer à cette garantie une caution personnelle et solidaire.
Pour rappel, la garantie à première demande est l’acte par lequel l’acheteur public est susceptible d’exiger le paiement d’une somme d’argent déterminée auprès d’un établissement bancaire garant, et ce dès la première demande. Le garant n’a pas la possibilité de soulever d’exception, d’objection ou de contestation relative à l’exécution de l’obligation garantie.
Cette condition n’est pas obligatoire mais largement répandue. Il est intéressant d’anticiper ce point et de voir quel établissement peut te proposer la meilleure offre.
Le Code de la commande publique prévoit que le taux et les conditions de versement de l’avance sont fixés par le marché (Art. R2191-10 CCP).
Si rien n’est prévu, tu peux encore inverser la vapeur. Qui ne demande rien n’a rien ! C’est aussi vrai dans les marchés publics ! 😁
Tu peux agir mais tu as un temps limité pour le faire car ensuite le montant et les conditions d’attribution de l’avance sont intangibles c’est à dire intouchables !
L’ intangibilité de l’avance est déclenchée par la notification du marché
Voyons 2 cas de figures.
Si aucune avance n’est proposée dans le cahier des charges, propose-la !
Le choix du taux et des conditions de délivrance de l’avance doivent être fixés dans le marché avant sa notification à l’entreprise.
L’absence de proposition d’avance dans le cahier des charges ne doit pas t’arrêter.
Tu peux l’introduire ou la faire modifier dans les conditions suivantes :
Si les variantes libres sont autorisées, tu peux proposer une offre plus compétitive avec un taux d’avance en variante financière.
- Tu devras définir les conditions de remboursement.
- A défaut ce sont les conditions par défaut en cas de silence du CCAP qui s’appliqueront.
De la même manière, tu peux introduire cette possibilité en cours de négociation si la procédure l’autorise.
Si une avance est proposée dans le cahier des charges, tu peux la refuser mais pourquoi le faire ?
Tu peux refuser le bénéfice de l’avance, même en cas d’avance obligatoire (Art. R2191-5 CCP).
Cette faculté de renonciation relève de la liberté du titulaire. Elle ne peut en aucun cas résulter de pressions de la part de l’acheteur.
La rubrique B4 du formulaire ATTRI1 « Acte d’engagement » permet au candidat d’indiquer s’il renonce ou non au bénéfice de l’avance. En cochant la case « oui », tu refuses le versement de l’avance. En cochant la case « non », tu l’acceptes.
Attention néanmoins, l’acheteur public n’est pas tenu d’utiliser le document cerfa ATTRI1. Il peut présenter son document différemment. Par conséquent, lit bien cette partie. Il est tout à fait possible que ce soit écrit de la manière suivante :
« L’attributaire demande à bénéficier de l’avance OUI / NON ».
Par « habitude » tu peux cocher NON et l’acheteur public ne va pas revenir vers toi en te disant « vous êtes sure, vous ne l’a voulez vraiment pas ?
✨Savoir décrypter le cahier des charges et lire entre les lignes peut te permettre de te différencier dans ta réponse à un marché public ✨.
Si tu veux en savoir plus, demande le programme ! 😉
Si tu as renoncé à l’avance dans ton acte d’engagement, tu peux te raviser et demander ultérieurement à percevoir cette avance. Néanmoins, tu dois agir vite sauf si l’acheteur a prévu une clause sur le sujet dans le CCAP.
2 cas de figures, selon que l’on soit avant ou après la notification du marché :
-
- Si la demande est antérieure à la notification du marché, la modification peut faire l’objet d’une mise au point.
- Si elle est postérieure, elle sera possible si cela a été prévu par une clause de réexamen précisé dans le CCAP.
L’acceptation ou non d’une avance ne peut fonder le choix de l’acheteur public quant à l’offre économiquement la plus avantageuse. Ce n’est pas un critère de choix. Par conséquent, tu n’as aucun intérêt à y renoncer.
Si tu y renonces, tu ne pourras pas, en tout cas, demander à réintroduire l’avance par voie d’avenant par exemple.
Donc réfléchis bien avant d’y renoncer. Il est assez rare que l’acheteur public prévoit une clause de réexamen sur ce point. Si l’acheteur public la prévoit dès le départ, il envoie un message fort : augmenter la concurrence en supprimant l’avantage que peut représenter de bénéficier d’une meilleure trésorerie.
Si tu refuses cet avantage et fait une offre qui convient à l’acheteur, il n’a aucun intérêt à s’embêter après coup avec la gestion d’une avance.
Les conditions de remboursement d’une avance en marché public
Le timing du remboursement dépend du pourcentage de l’avance
Les conditions de remboursement de l’avance sont précisées dans le CCAP du marché.
Néanmoins, en cas de silence du CCAP, les règles de remboursement “par défaut” sont les suivantes :
Début du remboursement de l’avance en marché public
Pour les avances inférieures ou égales à 30% ➯l’avance sera déduite de tes acomptes quand le montant de la prestation exécutée atteindra 65%
Pour les avances supérieures à 30% ➯ l’avance sera déduite dès la première demande de paiement (acompte)
Date de remboursement intégral de l’avance en marché public
Pour les avances inférieures ou égales à 80% ➯ l’avance doit être totalement remboursée quand le montant des prestations exécutées atteint 80%
Pour les avances supérieures ou égale à 80% ➯ l’avance doit être totalement remboursée lorsque le montant des prestations réalisées atteint le montant de l’avance accordée
Le remboursement de l’avance s’impute sur les sommes dues au titulaire, selon un rythme et des modalités fixés par le marché public par précompte sur les sommes dues à titre d’acomptes ou de règlement partiel définitif ou de solde (Art. R2191-11 CCP)
Les règles de remboursement par le titulaire s’appliquent aux marchés reconductibles, sur le montant de la période initiale et aux marchés reconduits, sur le montant de chaque reconduction.
En cas de marché résilié avant le remboursement de l’avance ?
Le Conseil d’Etat doit un arrêt CE, 4 mars 2020, n° 423443 précise que :
lorsque le marché est résilié avant que l’avance puisse être remboursée par précompte sur les prestations dues, le maître d’ouvrage peut obtenir le remboursement de l’avance versée au titulaire du marché ou à son sous-traitant alors même que le marché résilié n’aurait pas été exécuté.
En l’espèce, le marché avait été résilié avant que l’exécution du marché n’ait atteint les 65% .La fenêtre de remboursement est donc étroite, et surtout impossible en cas de résiliation du marché avant que ne soit atteint le seuil prédéterminé (par défaut, 65 %),
Une avance a pour objet de fournir au titulaire et au sous-traitant une trésorerie suffisante destinée à assurer le préfinancement de l’exécution des prestations qui leur ont été confiées. Le seuil des 65 % concourt à cette finalité. Il disposera de cette trésorerie jusqu’à un stade avancé de l’exécution. Néanmoins, ce seuil devient sans objet lorsqu’il n’y a plus rien à exécuter. Il n’y a alors plus lieu qu’il conditionne le remboursement de l’avance.
Pour finir et en résumé, l’avance est un vrai plus pour toi. Ne la refuse pas, challenge là si tu peux, soit stratégique avec cette question.
La réglementation ouvre les vannes sur cette question pour inciter les acheteurs publics à proposer ce mécanisme.
C’est une manière de t’offrir plus de trésorerie en amont des prestations à réaliser, te donner une bouffée d’oxygène comme un prêt à taux zéro ! Il reste que cette avance sera sans aucun doute assortie d’une demande de garantie. Prend les devants ! Choisi un partenaire bancaire pour t’accompagner et te proposer le moins de frais possible.
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