Les questions en cours de consultation
Aujourd’hui, je te propose de découvrir ce qu’il se passe quand tu poses une question en cours de consultation marchés publics et plus précisément pendant la phase de réponse à l’appel d’offres.
Que demander et comment le faire, sans se griller?
A qui poser la question ? Par quel moyen ? Quel type de question peux tu poser ? Est ce que c’est pénalisant de poser une question en cours de consultation ?
Je vais répondre à tout cela.
Poser une question en cours de consultations marchés publics :
pourquoi ?
Tu es en train de lire le cahier des charges d’une consultation marchés et tu te poses une question d’ordre administratif ou technique. Tu as beau chercher, tu ne trouves pas la réponse dans le cahier des charges…
Tu as 2 solutions :
- Tu ratisses large et tu en mettras plus dans ta réponse avec les risques suivants:
-
- le hors sujet, l’acheteur triera…
- un surcoût financier répercuté sur ta proposition, en expliquant (ou pas d’ailleurs) ce qui est compris dans ton offre. C’est déjà plus embêtant car ton offre risque de ne pas être compétitive si tu es le seul à avoir interprété le cahier des charges de cette manière.
- la perte de temps en explication, chiffrage, rédaction de documents annexes peut être inutiles au final.
- Tu te décides à poser la question afin d’en avoir le cœur net et d’économiser du temps et de l’énergie.
Inutile de te dire que je vote pour la solution 2 !🙋♀️
Pourquoi ? Parce que l’acheteur public opérationnel est toujours très pressé quand il s’agit de lancer une consultation. Il a fait un rétroplanning aux petits oignons et le lancement, ça doit être le jour J et pas un jour après ! Je caricature à peine 😜.
Du coup, il met beaucoup d’énergie à convaincre le service des marchés (appelé aussi selon les organismes, service de la commande publique) que SA consultation est prioritaire et doit absolument partir le jour J.
Souvent, ça marche d’autant plus facilement que, par définition, le juriste (service marchés) n’est pas dans l’opérationnel donc, si tu lui dis que c’est prioritaire et si son plan de charge le lui permet, il traite le dossier.
Sauf que parfois voire souvent, l’opérationnel a tellement pensé que ça allait coincé au niveau administratif qu’il en a oublié de vérifier si ses propres troupes seraient prêtes pour ce fameux jour J.
Qui sont ses troupes ?
Le chargé d’opération interne, l’éventuel sous traitant chargé d’assister l’opérationnel dans la constitution et la rédaction de son besoin. J’ai nommé l’AMO (assistant à Maîtrise d’Ouvrage) et / ou le Moe ( Maître d’oeuvre). Et là, ça peut coincer…
« Le cahier des charges technique n’est pas finalisé et fait toujours l’objet d’aller retour entre les équipes de l’opérationnel et les équipes du sous traitant.
Qu’importe ! Ne perdons pas la face, les dernières modifications seront traitées en cours de consultation puisqu’il est possible de modifier le DCE (dossier de consultation entreprises ) jusqu’à 6 jours avant la date de remise des plis ! »
De toi à moi, cet article (Article R 2132-6 du CCP) devrait être retiré du Code car parfois il est prétexte à des abus…
Tu l’auras compris, le DCE n’est souvent pas finalisé et comporte des erreurs. Les erreurs sont pointés grâce notamment aux questions des entreprises candidates.
Plus tu poses ta question tôt, plus tu obliges l’acheteur public à rectifier son DCE rapidement ce qui te permet de travailler sur la bonne version plus vite. Rien n’est plus rageant que de travailler dans une direction et de recevoir ensuite une notification indiquant que des ajouts ont été apportés au DCE. Ça t’oblige nécessairement à refaire une lecture complète du dossier et modifie peut être la donne et le travail déjà réalisé.
Par conséquent, lors de ta première lecture, quelque chose ne te parait pas clair ? Dis le !
Quelles questions poser en cours de consultation et…. celles à ne pas poser.
Parfois le DCE est confus, voire pire, orienté, sciemment ou non d’ailleurs.
Il manque certains descriptifs de prestations qui te paraissent nécessaires pour la réalisation du marché. Tu te demandes si c’est un oubli, si ça a été fait sciemment. Si tu es en marché de travaux, peut être qu’un autre corps d’état fait cette prestation connexe…. ou pas. Bref, tu nages en plein doute.
Si tu constates une anomalie dis le !
Il faut bien évidemment choisir tes mots pour ne pas te griller.
L’idée est de dire par exemple :
- La description du besoin n’est pas suffisamment précise (absence de métré sur tels ou tels postes fondamentaux pour l’établissement du prix) et nécessite un déplacement sur site non prévu par le maître d’ouvrage.
- Le cahier des charges décrit une solution qui est développée (exclusivement) par l’entreprise x ce qui ne me permet pas de répondre à la consultation d’autant que les propositions variantes sont interdites.
- Il semble y avoir une contradiction entre les pièces du DCE (CCAP et CCTP ou CCTP et DPGF etc) , [expliciter le problème et sa localisation dans les pièces (pages – art. …)]. L’objectif est d’avoir une réponse rapide de l’acheteur.
- Le RC précise qu’une trame de mémoire doit être complétée mais ce document n’est pas joint au DCE.
- Le RC demande des références de niveau ++ en faisant référence à un référentiel métier (qualibat / qualifelec en travaux par exemple) mais ce niveau d’expertise ne semble pas nécessaire vu les prestations à réaliser. Pouvez vous justifier de cette exigence et de sa proportionnalité par rapport à l’objet du marché ?
(…)
Toute question est bonne à poser selon moi. Si tu te poses la question, c’est qu’il y a ambiguïté et comme cela va devenir ta base contractuelle, il vaut mieux supprimer toute zone de flou avant l’exécution du marché.
Bien sur, il faut savoir dire les choses, ne pas agresser l’autre mais c’est valable pour tout. Ne pas accuser sans preuve et laisser toujours à l’autre une porte de sortie honorable, il t’en sera gré.
A qui poser ces questions sur la consultation marché public en cours
La voie royale : utiliser la plateforme de dématérialisation – rubrique « poser des questions ».
En face de toi, coté acheteur public, tu as des juristes et non des opérationnels.
C’est en effet le service marchés ou service de la commande publique qui reçoit tes questions et est chargé soit d’y répondre directement soit de rerouter la question à la personne qui sera la plus à même à y répondre.
Ensuite, il assure l’interface avec la plateforme et retranscrit la réponse apportée.
Son job est d’assurer la conformité de la procédure de passation des marchés à la réglementation. Par conséquent, si ce service détecte dans tes propos qu’il y a un risque de contentieux, il y aura des actions en interne pour vérifier ce risque.
S’il est avéré, la consultation sera soit :
- modifiée, s’il est encore temps, et le délai pour remettre une offre allongée en conséquence
- déclarée sans suite car nécessitant une modification en profondeur.
Tu ne seras pas pénalisé d’autant que, souvent, l’acheteur public n’a même pas conscience que son cahier des charges est orienté.
Ce peut être le cas par exemple quand il a sous traité la rédaction du cahier des charges à un AMO (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage) ou à un Moe (Maître d’Oeuvre). L’acheteur public estime qu’il n’est pas « sachant » en la matière et soustraite ce travail. Dans ce cas, 2 possibilités, l’orientation du cahier des charges est réalisée à dessein ou par ignorance, laxisme ou que sais je encore.
1er cas : Cahier des charges orientée à dessein.
Soyons honnêtes. Quand on connait un produit, un méthode de fabrication et qu’il/elle donne de bons résultats, on a tendance à ne pas chercher midi à 14 heures et à décrire la solution que l’on sait répondre au besoin recherché.
On oublie juste que ce n’est pas forcement la commande. La commande est de rédiger un cahier des charges décrivant le besoin de l’acheteur public de manière suffisamment précise pour permettre au plus grand nombre des professionnels concernés de répondre et satisfaire le besoin énoncé.
Il y a donc 2 paramètres à respecter. Si on oriente le cahier des charges on prend le risque de restreindre la concurrence à un petit nombre de professionnels en capacité de répondre et, de deux choses l’une, :
- Soit c’est justifié et il existe des procédures permettant de passer un marché avec une entreprise qui détient une exclusivité sur sa solution du moment que seule celle ci est en capacité de répondre au besoin de l’acheteur public. Néanmoins comme toute exception, il faut justifier le recours à cette procédure dérogatoire.
- Soit ça ne l’est pas et l’acheteur ne peut imposer une solution technique unique pour répondre à son besoin. Il peut indiquer des spécifications techniques, des marques, afin d’illustrer les niveaux de performance et de qualité attendues mais il doit accoler à ces mentions la notion de « ou équivalent ». Le professionnel devra démontrer dans son offre l’équivalence en qualité et performance de son produit par rapport à la marque mentionnée au cahier des charges.
2nd cas : Cahier des charges orienté par ignorance/ laxisme ou autres maux
As tu déjà fait les frais d’un mauvais copier coller ? Je suis sure que oui 🤦♀️
Et bien l’acheteur public aussi 🤷♀️ ! Mauvais copier coller sur les documents qu’il produit mais également mauvais copier coller sur les documents qui paient à ses sous traitants.
Et oui, c’est une plaie cette flemme de reprendre le document type et de penser que l’on va gagner du temps à reprendre un document utilisé pour un autre marché qui ressemble … un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… et, en fait, PAS DU TOUT au marché sur lequel on travaille.
On le sait pourtant, « vite et bien font rarement bon ménage »…. Mais, chaque fois on pense que ça va marcher.
Tu l’auras compris, il y a du vécu et des cahiers des charges non actualisés aux dernières techniques performantes existantes sur le marché ça existe. Ça existe aussi des documents administratifs non actualisés aux articles de la nouvelle réglementation du code de la la commande publique (CCP) et parlant encore de décret, d’ordonnance et de loi MOP (pour les initiés 😉) .
Je t’invite VRAIMENT à ne pas subir mais à questionner si tu vois une anomalie.
On parle beaucoup du manque de qualité des mémoires techniques des entreprises mais il y aurait beaucoup à dire sur la qualité des cahiers des charges des acheteurs publics donc aide les aussi à s’améliorer surtout si ne pas poser une question te pénalise.
Une autre solution : passer par la fenêtre et contacter le sous traitant (s’il existe)
Officiellement, la seule voie pour poser des questions est de passer par la plateforme de l’acheteur. Maintenant, si tu as le nom voire les coordonnées du sous traitant de l’acheteur public dans le DCE, il peut être tentant de passer par la fenêtre.
Quel intérêt pour toi ?
Ils sont multiples:
- Un échange téléphonique avec forcement plus de spontanéité des 2 cotés et potentiellement des informations « lâchées » par le sous traitant.
- Selon ta question cela peut représenter un vrai + et offrir au sous traitant « une porte de sortie honorable ». En effet, il pourra amender le cahier des charges aux vues de ta remarque/question et transmettre un additif à l’acheteur public. Pour celui ci, son sous traitant aura remédié tout seul à un problème qu’il aura vu après coup. En terme de posture c’est totalement diffèrent… Le sous traitant t’en sera peut être reconnaissant ….
- Te présenter, parler de ta structure, ton expertise, te rappeler à son bon souvenir si sa structure a travaillé avec la tienne par le passé. Bref, créer du réseau. Il faut néanmoins avoir une vraie question qui amène de la plus value à ton interlocuteur sinon il risque d’écourter la conversation. Si le courant passe bien tu pourras également lui demander s’il travaille sur d’autres dossiers où tu pourrais te positionner et enfin lui glisser, si tu le sens et uniquement dans ce cas, que s’il a besoin de vérifier des prix sur ta spécialité, tu lui rendra service avec plaisir.
On ne va pas se mentir, tout ça c’est du off.
Officiellement, le sous traitant est sensé de renvoyer vers la voie royale « la plateforme de l’acheteur » pour poser ta question. Néanmoins, c’est lui qui a cette obligation car lui a contracté avec l’acheteur public alors que toi? Et bien ….pas encore😜. Par conséquent, tu ne risques rien à essayer de passer par la fenêtre.
Sur un malentendu, ça peut marcher !
On va continuer à appeler un chat, un chat…
C’est le sous traitant qui est chargé de l’analyse des offres.
Par conséquent, si le sous traitant est convaincu que tu es fiable, la bonne personne pour réaliser le marché et qu’en plus, ton offre techniquement et financièrement est bien placée, ça peut faire la différence.
Il ne faut pas oublier qu’il y a une part de subjectivité dans les rapports d’analyse. L’analyse essaie d’objectivité un maximum la notation de l’offre technique néanmoins, ce n’est pas comme les prix où là c’est mathématique.
Je ne suis pas en train de te dire que …
…tu peux bâcler ton mémoire technique si tu as eu un bon contact avec le sous traitant ! Le sous traitant a des obligations contractuelles et une éthique; S’il joue, il risque gros.
mais je suis en train de te dire que…
…humainement parlant, à qualité égale, il sera toujours plus naturel d’aller vers la personne qu’on connaît que vers une entreprise qui sort de nulle part.
Les questions en cours de consultations marchés publics : concrètement
Tu poses une question.
Hypothèse n°1 : la question résulte d’une mauvaise lecture du DCE. Tu n’as pas vu l’information. L’acheteur public te répond et à toi seul.
Hypothèse n°2 : la question mérite un remaniement du DCE. Tu viens de lever un lièvre, plus ou moins gros.
Le principe d’égalité de traitement entre les candidats impose que la réponse soit transmise à tous les entreprises ayant retiré le dossier (d’où l’importance de laisser une adresse mail valide quand tu télécharges le dossier – cqdf). En effet, les candidats doivent détenir le même niveau d’information.
L’acheteur public va doit utiliser la plateforme pour transmettre la modification au même moment à l’ensemble des candidats.
Cela peut prendre 2 formes :
- Une simple retranscription de la question avec la réponse afférente afin qu’elle profite à tous (petit lièvre)
2. Une substitution d’une pièce du marché ou un additif qui facilite la lecture des modifications (gros lièvre)
Il y a gros et GRRROOS lièvre. C’est à dire modification plus ou moins substantielle.
Le caractère substantiel et a fortiori non substantiel n’est pas défini par la réglementation.
Cette définition est laissée à l’appréciation du juge au cas par cas s’il y a contentieux.
En tant que professionnel, tu dois être à même de savoir si la modification est ou non substantielle. Quel « re travail » de ta réponse elle nécessite. Ce « ré travail » sera d’autant plus intense si la date de remise des offres est proche et que le délai de réponse n’est pas allongé en conséquence.
En effet, une modification substantielle induit un allongement du délai de réponse voire un nouveau délai global (remise des compteurs à zéro) avec la publication d’un avis de publicité rectificatif.
En revanche, en cas de modification non substantielle, le délai de remise des offres est inchangé.
Bien évidemment, « qui peut le plus peut le moins » et l’acheteur public pourra toujours allonger le délai de réponse suite à une modification du DCE même si la modification n’est pas substantielle.
Petite aparté : Si la modification te parait substantielle et que le délai de remise des offres est inchangé. Tu tiens sans doute un motif de recours contentieux.
Les questions transitent nécessairement par le service marchés quand tu passes par la plateforme de dématérialisation de l’acheteur.
Selon la question (d’ordre administratif ou d’ordre technique), le service marchés rédigera directement la réponse ou la transmettra au service opérationnel.
Selon la présence ou non d’un sous traitant, c’est ce dernier ou le service opérationnel directement qui rédigera la réponse avant de la transmettre au service marchés.
S’il y a modification du DCE, la forme que doit revêtir la réponse n’est pas réglementée.
C’est bien dommage car selon l’option que va choisir l’acheteur public ou son sous traitant, le travail n’est pas le même pour toi.
- Il peut écraser le DCE et y substituer une version 2. C’est le cas le plus chronophage. Surtout si le mail d’accompagnement n’indique pas les modifications apportées et dans quels documents elles se situent.
- Il peut ajouter un additif à chaque document qu’il modifie du type » en lieu et place de (….) en page x il convient de lire (…). Ça a le mérite de la traçabilité mais la lecture n’est pas facile. Il faut faire des allez retour entre le document initial impacté et l’additif.
- Il peut transmettre uniquement les documents modifiés avec les modifications apparentes. En gras, surlignées ou avec une autre couleur en lieu et place des informations initiales, qu’importe pourvu que cela ce voit ! Ça a le mérite de l’efficacité et offre un confort de lecture. Il faut, en revanche, ouvrir le document « version initiale » pour se rappeler de ce qui était marqué. Or, ce n’ait pas à négliger car ça a peut être déjà dirigé ton début de chiffrage ou de réponse.
Voilà, j’espère que c’est plus clair pour toi.
Si les coulisses t’intéressent, je t’invite à lire la partie 2 et 3 des coulisses !
La partie 2 concerne ce qui se passe après le dépôt de ton offre, el la partie 3 est consacrée à la rédaction du rapport d’analyse des offres jusqu’à l’avis d’attribution du marché