De l’ouverture des plis à l’analyse des offres
Aujourd’hui, je te propose de découvrir ce qu’il se passe après que tu ais remis ton offre via la plateforme de dématérialisation.
Tu as bossé ton offre, la transmise dans les délais et tu attends…. tu attends.
Mais qu’est ce qu’il se passe après ? Qui a ton offre en main et quel est le circuit interne d’analyse des candidatures et des offres au sein de la structure de l’acheteur public ?
Je te dis tout.
Admettons que la date de remise des plis soit fixée au jour J – heure : 0:00.
Le portail de dématérialisation étant géré par une entreprise tiers, il est techniquement impossible pour l’acheteur d’avoir accès au contenu des offres avant la date limite de réception. Il peut juste voir qui a déposé un pli, quel jour et à quelle heure. Cela va lui servir pour relancer, les cas échéant, les entreprises qui ont retiré le DCE (dossier de consultation) mais pas encore déposé une offre.
D’ailleurs, si tu reçois un tel appel téléphonique, c’est plutôt bon signe👍.
Cela signifie que peu d’entreprises ont déposé une offre et que l’acheteur craint que sa consultation ne soit déclarée « infructueuse ».
Tu l’as compris, si tu es relancé c’est qu ‘il y a peu de concurrence. Si tu réponds, tu seras peut être le seul et donc tu auras de fortes chances de remporter le marché.
La dématérialisation est une garantie pour les entreprises. Par conséquent, inutile de transmettre ton offre à la dernière minute pour être sure qu’il n’y aura pas de fuite !
En faisant cela tu prends juste le risque que la fin de ton téléchargement ait lieu après l’heure limite. Dans ce cas, c’est sans appel, l’offre sera déclarée hors délai et ne sera pas analysée.
C’est une aparté, mais c’est tellement important dans les faits.
Mais revenons à notre sujet, tu as déposé ton offre et voici ce qui se passe après.
# Étape 1 – Ouverture des plis
L’ouverture des plis est réalisée très rapidement par le service marchés, c’est à dire :
Le jour J à partir de l’heure limite + 0:01
Ce service, également appelé, selon les structures, service de la commande publique, est composé de juristes dont le travail est de veiller au bon respect de la procédure.
Le service marchés checke la présence ou l’absence des éléments demandés dans l’avis de publicité et/ou dans le RC (Règlement de la Consultation) et dresse le tableau des offres.
Cela permet de voir rapidement si le marché est fructueux ou infructueux. Cela n’évite pas l’analyse des candidatures et des offres. Le prix n’est qu’un indicateur et donne une tendance.
Il transmet ensuite les plis (dématérialisés) au service opérationnel prescripteur qui les transmet, le cas échéant, à son tour, à son sous traitant (Maitre d’oeuvre ou AMO (Assistant à maîtrise d’ouvrage).
# Étape 2 – Analyse des candidatures et des offres
Le service opérationnel ou le sous traitant analyse les candidatures et offres avec des échanges réguliers entre eux sur la qualité des offres reçues.
Dans quel ordre sont analysés les plis ? Candidature puis offre ou Offre puis candidature ?
La logique voudrait que ce soit : candidature puis offre.
Pourquoi ? Parce que avant de savoir à quel prix tu fais des prestations de plomberie j’aimerai être sure que tu as les compétences pour le faire.
Si tu es informaticien et que tu postules à un marché de plomberie, même si tu me proposes un bon prix, je vais émettre des doutes sur ta capacité à réaliser le travail.
Désormais, la réglementation autorise l’acheteur public à analyser l’offre avant la candidature. Il n’a pas à le justifier dans le RC ni même besoin d’en informer les entreprises.
Une chose est sûre : « blanc bonnet ou bonnet blanc », il doit analyser la candidature et l’offre.
Analyse de la candidature
L’analyse de la candidature équivaut à pouvoir répondre à 3 grandes questions.
1 – Es tu en capacité de réaliser la prestation ? En as tu les compétences techniques ?
Il va être examiné tes références de réalisation des prestations similaires, de même ordre de grandeur, avec les même contraintes opérationnelles etc
2 – As-tu l’assise financière suffisante pour « tenir » toute la durée du marché ?
CA, effectifs, matériels adaptés, bonne santé financière sont autant d’indicateurs qui seront examinés.
L’acheteur public peut imposer des minimums de capacités dans l’AAPC (Avis de Publicité) et/ou le RC (Règlement de consultation).
Ces minimums doivent être proportionnés à l’objet, au montant estimé du marché et à ses conditions d’exécution. A défaut, ils pourront être contestés devant le juge comme de nature à restreindre le libre accès à la commande publique sans fondement.
Par exemple, il ne peut être exigé un CA 5 fois supérieur au montant du marché ou la détention de matériel à fort investissement non requis pour la réalisation du marché.
Le montant du CA minimum exigé est fixé par le code de la commande publique à 2 x le montant estimé du marché public.
3 – As-tu les moyens humains et matériels suffisants pour exécuter le marché dans le délai imparti ?
La encore, la proportionnalité s’applique et si des minimums sont indiqués et sont supérieurs à tes capacités, la réponse en groupement reste la solution pour contourner l’obstacle.
L’objectif est bien de rassurer l’acheteur public…. « Mais oui je sais faire et je te le prouve. »
Analyse de l’offre
Si l’analyse repose sur un seul critère, c’est le prix.
Néanmoins, le plus souvent, l’analyse repose sur une pluralité de critères dont la fameuse « valeur technique » de l’offre avec ses sous critères et leurs sous pondérations.
Analyse du prix
L’opérationnel (acheteur public ou sous traitant) va se précipiter sur ton offre de prix. Il va rapprocher tes prix à son estimation et noter les écarts : en plus et en moins.
Si on est en marché de travaux, il va vérifier également si tu as modifié des quantités et essayer de comprendre pourquoi.
➡️ Il note tous les éléments qui impactent directement sur ton offre de prix.
Il vérifie les écarts de prix entre les offres et par rapport à son estimation. Cela lui permet de situer son estimation par rapport à la réalité du marché à un moment donné.
Si une offre est en grand décalage par rapport à la moyenne des offres, il va émettre une suspicion d’offre anormalement basse (AOB).
Très souvent, l’estimation de prix du marché par l’opérationnel ou son intermédiaire (sous-traitant) n’entre pas en ligne de compte pour déterminer si l’offre est anormalement basse ou non. C’est plus la moyenne des offres reçues et donc au final les prix du marché spécialisé sur une zone géographique donnée et une période donnée qui fait foi.
Détection des offres anormalement basses
La procédure est écrite dans la réglementation. L’opérationnel ne peut écarter l’offre de son propre chef. Il doit contacter l’entreprise qui a remis l’offre qu’il considère anormalement basse, lui faire part de sa suspicion d’AOB et lui permettre d’apporter des justifications quant à son prix.
Attention : Confirmer n’est pas justifier ! Ne tombe pas dans ce piège.
Tu dois être factuel dans ta réponse. Une réponse du type, « je veux vraiment avoir le marché et donc je suis prêt a baisser ma marge » ne convaincra pas.
Pourquoi ? Parce que l’acheteur ne sera pas rassuré.
- Et si tu le plantes en plein marché ?
- Et comment vas tu payer tes salariés, est ce que tu vas utiliser des pratiques illégales pour diminuer tes frais de fonctionnement ?
L’acheteur ne voudra pas être « co responsable » et ne prendra pas le risque.
Si tu reçois un mail d’OAB, ça signifie que tu es moins cher d’environ 20% par rapport à la moyenne des notes, avec neutralisation du prix le + haut et du prix le + bas.
Il n’y a pas de formule magique pour déterminer une OAB et rien n’est indiqué dans la réglementation.
La formule citée est, néanmoins, celle communément utilisée par les acheteurs.
Je prépare un article spécial consacré aux OAB. Il sera en ligne dans quelques semaines.
Détection des offres non conformes
3 types d’offres non conformes.
- L’Offre inacceptable : offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu’ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure.
ex : Ton offre est 2 x le budget imparti pour ce besoin. C’est mathématique. Si tu réponds à un marché public émanant d’une personne privée, l’argument est implacable. Si c’est un marché public émanant d’une personne publique, c’est plus contestable. Le caractère inacceptable de l’offre est directement lié à la capacité de l’acheteur en matière de financement du projet d’achat. Par définition, une personne publique ajuste le montant des taxes qu’elle perçoit au financement de ces besoins. Du coup, ça capacité est ajustable, c’est toi qui paie au final.
- L’Offre inappropriée : offre sans rapport avec le marché public parce qu’elle n’est manifestement pas en mesure, sans modification substantielle, de répondre au besoin décrit dans le cahier des charges. Elle est assimilée à une absence d’offre.
ex : La proposition d’une solution différente de celle décrite et retenue par l’acheteur. Si tu estimes que le cahier des charges est « orienté », dis le en posant une question en phase consultation (les coulisses des marchés publics partie 1)
A défaut, tu risques d’être pénalisé et ton offre écartée pour non conformité. Une autre solution est de proposer une offre variante, si les variantes sont autorisées. Cela suppose que tu puisses répondre également à la solution de base.
- L’Offre irrégulière : Offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable, notamment en matière sociale et environnementale
ex : Une rubrique de bordereau de prix unitaires n’est pas renseigné,
ex : lorsque le candidat a remis une offre prévoyant deux interlocuteurs techniques agissant simultanément pour assurer l’exécution du marché alors que le CCTP exigeait que le titulaire devait désigner une seule personne qui ne serait remplacée par un autre responsable désignée en cas d’empêchement
La non conformité peut concerner le prix mais également l’offre technique.
Les offres non conformes sont écartées mais peuvent faire l’objet d’une régularisation, à la demande de l’acheteur public, selon certaines conditions (la encore, les développements sur ce point feront l’objet d’un article spécifique).
Notation des offres de prix
L’acheteur analyse les justifications des OAB. Il est convaincu ou non par l’argumentaire développé et, selon, les réintégré ou non dans le tableau de notation des prix.
Tu trouveras parfois la formule de notation du prix dans le RC mais attention ce n’est pas obligatoire.
Dans tous les cas, cette formule est indiquée dans le rapport d’analyse des offres. Tu pourras demandé la communication de ce RAO si tu n’es pas retenu.
En principe, l’offre la moins chère a la meilleure note.
Si le prix est noté sur 60 elle aura 60/60.
Si la justification d’OAB a convaincu l’acheteur, c’est elle qui aura le maximum de points sur la note prix. Elle aura donc une large avance sur les autres d’où le grannnnd intérêt a bien justifier l’OAB pour toi si tu es sûre de pouvoir tenir le marché avec ce prix.
Donne tout. Si tu convaincs et que ton mémoire technique est très bon, voire bon et même s’il n’est que correct ou moyen, ça peut passer et tu peux remporter le marché.
Les autres offres de prix sont, en principe, notées en référence avec la moins disante par un règle de trois.
Comme tu peux le voir, la encore, l’estimation n’entre pas en ligne de compte dans la notation. C’était en tout cas le cas dans toutes les structures dans lesquelles j’ai travaillé.
Analyse de la valeur technique de l’offre
La bête noire des entreprises ! De l’ 😈 A-D-M-I-N-I-S-T-R-A-T-I-F 😈.
C’est pourtant là que bien souvent ça passe ou ça casse et pour cause. Bien souvent la valeur technique compte pour 40% de la note finale. C’est donc de nature à contrebalancer sacrement ton offre de prix même si tu as fait un prix canon.
Tu pourrais te demander légitimement « A quoi sert la valeur technique ? »
L’acheteur public a estimé que j’étais capable de réaliser la prestation puisqu’il a retenu ma candidature. Il a donc admis que j’étais un professionnel alors pourquoi en remettre une couche ?
Ce n’est pas faux vu comme ça mais en fait il ne juge pas tout à fait la même chose.
Au stade de la candidature, il examine la capacité de ta société à réaliser le marché. Elle doit être cohérente avec l’objet du marché et adaptée au volume à traité (Références professionnelles de même dimensionnement sur des prestations similaires. Si des minimums de capacité ont été prévus dans l’AAPC (avis de publicité) et/ou dans le RC (règlement de la consultation), adéquation de ton CA et/ou moyens humains de ta société et/ou moyens matériels.
Au stade de l’offre, il examine pour ce que tu prévois concrètement de mettre en place pour réaliser la prestation et que tout se déroule sans accro !
- Moyens humains dédiés :
- Combien de personnes penses-tu nécessaire de dédier à ce marché pour réaliser la prestation dans le temps imparti ?
- Quelles personnes ? Profil seniors, juniors, élèves en formation et pour faire quoi, quand et avec quels moyens ?
- Quelle organisation vas-tu mettre en place ?
Les sous critères sont là pour guider ton argumentaire. Car, oui, tu sais faire mais tout l’enjeu est de le faire savoir à l’acheteur public.
Tu dois le convaincre et suivre ses demandes. S’il te demande de compléter une trame de mémoire technique, fait le !
Ça t’assure de répondre point par point à ses demandes et pour l’acheteur public, c’est un gain de temps. Il n’a pas à trier dans un mémoire technique parfois non adapté les éléments qui l’intéresse. En plus, il ne sera pas agacé de voir qu’il y a encore une entreprise qui n’a pas suivi sa demande en ne complétant pas le document qu’il s’est contraint à faire pour gagner du temps. J’ai presque envie de dire que si tu ne réponds pas positivement à ce point (compléter une trame), ce n’est pas forcément un très bon signe que tu envoies à ton potentiel client.
Le message envoyé est « tu n’as qu’à piocher dans mon mémoire technique déjà ficelé. C’est toi qui t’adapte à mon offre pas moi ». Sauf, que le client c’est un peu lui quand même…
L’acheteur public te demande tout cela pour s’assurer au maximum que le contrat se déroulera bien.
Il « checke » les réponses à ses demandes pour se garantir au maximum « 0 ennui » comme par exemple :
- ✅ Méthodo cohérente et adaptée
- ✅ Calibrage des moyens humains et matériels à mon besoin
- ✅ Evaluation du temps passé avec niveau d’expertise
- ✅ Contenu des rendus et suivi satisfaction client
- …
Tout ce travail d’analyse, de comparaison des candidatures et des offres est formalisé dans le rapport d’analyse des offres (RAO).
Qui a dit que l’acheteur public pouvait choisir qui il voulait en se basant sur « son intime conviction » sur qui est le meilleur pour réaliser le marché ?
Surement pas moi…
Tu râles parce qu’il faut montrer « patte blanche », mais si cela peut te consoler, sache que l’acheteur public doit également se justifier de ces choix, notations et observations dans le cadre de la rédaction du rapport d’analyse des offres.
On en parle la semaine prochaine !😁
La semaine prochaine, on voit de la rédaction du RAO (rapport d’analyse des offres) à la publication de l’avis d’attribution , la dernière partie des coulisses des marchés publics.