Du Rapport d’Analyse à la Publication de l’Avis d’Attribution
Et nous voilà à notre 3 -ème et dernière partie des coulisses des Marchés Publics !
Après, avoir questionné l’acheteur public pour bien comprendre le besoin et mieux y répondre (partie 1 des coulisses), déposé ton offre et répondu aux éventuelles questions au cours de l’analyse des candidatures et des offres (partie 2 des coulisses), nous voilà à l’ultime étape :
L’acheteur public a analysé les plis (candidatures et offres). Il doit désormais rédiger un rapport permettant de « tracer » son analyse et de comparer les offres entre elles au regard des critères énumérés dans l’AAPC (avis de publicité) et/ou le RC ( Règlement de consultation). Comment, qui vérifie, quels garde fous et qu’est ce qu’il se passe après ?
# Étape 3 – Rédaction du Rapport d’Analyse des Offres (RAO) sous haute surveillance
Un écrit obligatoire
Le service prescripteur du besoin retranscrit son analyse des candidatures et des offres dans une trame formatée préalablement : le RAO.
Ce document sert à « tracer » le raisonnement de l’acheteur, de la réception des plis jusqu’à la proposition de choix.
Sans ce document explicitant la proposition de choix final, pas d’attribution de marché.
Il doit être élaboré avec soin et permet :
- D’assurer la traçabilité et donc la transparence de l’analyse
- De s’assurer de l’égalité de traitement entre les candidats
- D’objectiver le plus possible l’analyse :
- Application d’une formule de calcul pour le critère prix,
- Reprise d’éléments factuels tirés du mémoire technique en vue de déterminer l’adéquation /l’inadéquation de ceux-ci sous critère par sous critère.
Ce qui est écrit engage son rédacteur. Il devra répondre de ces écrits en cas de contestations.
La rédaction de ce document par le service prescripteur (service opérationnel) peut être sous-traitée à un intervenant externe (maitre d’œuvre ou AMO (Assistant à maitrise d’ouvrage)) ou interne (service achat).
Dans tous les cas, le service opérationnel est responsable du contenu de ce document et « porte » la proposition de choix finale auprès de sa hiérarchie. Selon le montant du marché, il portera également ce choix auprès des membres de la Commission chargée d’attribuer les marchés.
Le RAO justifie le choix de l’attributaire du marché. C’est donc un document important qui peut être communiqué aux candidats non retenus à leur demande. Il doit donc être « limpide ». Le choix doit découler « naturellement » de l’argumentaire développé. Pour s’en assurer, il passe entre les mains du service marchés ou service de la commande publique.
Un écrit contrôlé
Le service marchés est composé essentiellement de juristes.
Entre opérationnels et juristes, parfois ça chauffe et ils ne se comprennent pas toujours.
Schématiquement, il y a d’un côté ceux qui prônent l’efficacité …
Il faut aller vite, il n’y a pas de risque, c’est être tatillon que de reprendre ce passage dans le RAO
… et de l’autre côté ceux qui prônent la sécurité,
Le respect des grands principes de la commande publique et tendre vers le risque zéro.
Le RAO doit être validé par le service marchés avant d’être présenté en Commission marchés.
Il y a donc un jeu d’aller-retour entre les 2 services pour faire en sorte que le RAO soit le plus propre possible.
Ça veut dire quoi « le plus propre possible » ?
Ça signifie principalement la lisibilité de l’analyse, le choix des mots, la cohérence des notes par rapport aux commentaires.
Le service marchés ne ré-analyse pas les mémoires techniques pour vérifier si la retranscription qui en est faites dans le RAO est fidèle ou non. Cela reste de la responsabilité du service opérationnel.
En revanche, il fait en sorte que l’égalité de traitement entre les candidats et la transparence de l’analyse soient assurées. S’il note des incohérence, il demande des explications, se fait l’avocat du diable pour que l’opérationnel modifie le contenu du rapport. Si ce n’est pas fait il émet des réserves et expose les risques . Cet écrit « remonte » hiérarchiquement. Si c’est impossible, il peut conseiller de procéder à une déclaration sans suite ou une infructuosité selon les cas de figure.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » Boileau
Cela peut revenir à modifier le classement et cela me permet de dire que les marchés ne sont pas si magouillés que ça. Je n’ai jamais vu un opérationnel dire qu’il allait reprendre toute son analyse car, au final, l’entreprise classée en 2 passait première.
Il y a une règle du jeu, des critères pondérés. Si l’opérationnel voit qu’une offre est techniquement bien meilleure que les autres mais ne peut la valoriser comme il se doit car les critères d’analyse ne le permettent pas, et bien c’est le jeu.
La prochaine fois, il devra mieux réfléchir aux critères de jugement des offres qu’il propose. On ne change pas les règles en cours de jeu.
Une fois que les services se sont « écharpés gaiement », le RAO passe en commission.
# Étape 4 – Le passage en Commission
Selon les structures, il y a un ou plusieurs commissions.
La commission officielle et obligatoire est la CAO, la Commission d’Appel d’Offres qui intervient pour attribuer les marchés conclus selon une procédure formalisée.
Très souvent, une Commission ad hoc d’appellation libre, (commission consultative des marchés, commission interne, commission mapa…) est formée et traite des marchés dès 90 K€. Son rôle et sa composition sont définis dans le Règlement Intérieur de chaque structure.
L’opérationnel accompagné ou non de son intermédiaire (Maitre d’œuvre, AMO, service achat) présente le RAO devant la commission. Un représentant du service marchés est également présent.
Les membres de la commission posent des questions, peuvent demander des éclaircissements, un report du RAO à la session suivante s’ils l’estiment nécessaire. Dans tous les cas, dans le strict respect de la règle du jeu énoncée dans le RC.
Les éventuelles observations et les votes des membres de la Commission sont consignés au PV.
La signature du PV faut accord pour attribution du marché au candidat désigné. Encore faut-il que ce candidat soit à jour socialement fiscalement pour être attributaire d’un marché.
# Étape 5 – Complétude des pièces administratives de l’attributaire pressenti
L’acheteur public va te demander de lui communiquer 2 types de documents.
🥴Là, on entre dans la partie super paperasse. Donc, ACCROCHEZ VOS CEINTURES – ON Y VA !🥴
La première fois que tu reçois une telle demande, tu te dis « où est la caméra ? »
Tu penses que c’est juste incroyable qu’on te demande tout ça pour peut-être un marché de 5000 €.
Ce qu’il faut se dire c’est que si tu es à ce stade c’est que tu as décroché le marché ! YESSSS !
La première fois, réunir tous ces documents va « te coûter » et ensuite c’est un automatisme. Tu reçois ta demande de documents de l’acheteur et tu checkes.
😱 Anticipe bien si tu es tributaire d’Administrations pour réunir les documents demandés.
Documents prouvant la régularité de ton entreprise
L’acheteur public va te demander des documents complémentaires à moins que tu les lui aies déjà fournis lors du dépôt de ton offre.
N’attend pas pour te les procurer car si tu es pressenti, il va falloir aller vite et il serait dommage de rater le marché pour des questions de paperasses mal anticipées.
Attention, tu as un délai réduit pour les lui transmettre. Ce délai est indiqué dans le RC. A défaut d’une transmission dans le délai, le marché ne pourra t’être notifié. L’acheteur public passera à l’entreprise classée en n°2 et lui transmettre la même demande.
Les documents qu’il peut te demander sont les suivants :
-
Extrait du registre (K bis…) de moins de 3 mois
à récupérer auprès du Greffe du tribunal du commerce dont dépend l’entreprise ou Chambre des métiers et de l’artisanat.
-
Régularité fiscale de moins de 6 mois
à récupérer auprès de l’Administration fiscale dont relève le demandeur
-
Attestation de vigilance de moins de 6 mois (obligatoire pour tout marché > 5000 €)
à récupérer auprès de l’URSSAF (pour la grande majorité des entreprises. Le site internet de l’URSSAF indique quand l’attestation est périmée.
Pour mémoire : site d’info permettant de savoir comment obtenir une attestation fiscale ou sociale https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F23384
-
Congés payés et chômage intempérie de moins de 6 mois (obligatoire pour les entreprises soumises à l’obligation de versement de congés payés et de chômage intempéries)
(BTP, maçonnerie, terrassement, génie civil, charpente, couverture, menuiserie extérieure, peinture de bâtiment, pose de canalisations à longue distance…)à récupérer auprès de la caisse de congés payés.
-
Attestation Travailleur handicapé ( Article L5212-2 et L5212-5 du code du travail) (obligatoire pour les entreprises employant au moins 20 salariés).
Elle doit datée de l’année n-2 pour les demandes faites entre janvier et avril et de l’année n-1 pour les demandes entre mai et décembre. Elle est à récupérer auprès de l’Association de gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH)
-
Dernier PV du Comité social et économique interne à l’entreprise (obligatoire pour les entreprises employant au moins 50 salariés)
concernant la présentation du rapport annuel faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (Article L2312-27 du code du travail) (au plus année n-1)
-
Attestation d’assurance RC pro en cours de validité
à transmettre au maximum 15 jours après la notification du marché
-
Attestation d’assurance décennale en cours de validité
si travaux concernés par décennale
-
Accusé de réception de la déclaration de détachement effectuée sur le télé‑service SIPSI et attestation sur l’honneur d’acquittement des amendes liées aux salariés détachés (obligatoire pour les entreprises établies à l’étranger détachant des salariés en France)
-
Liste nominative des travailleurs étrangers de moins de 6 mois
avec la date d’embauche, la nationalité et le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail (obligatoire pour tout marché > 5000 €) (Article L8254-1 du code du travail ; Article D8254-1, D8254-2 et D8254-4 du code du travail)
Documents prouvant que tu es habilité à signer l’offre
L’acheteur public, va également te demander de signer ton offre si tu ne l’as pas déjà fait.
La réglementation n’impose pas la signature de l’offre lors du dépôt des offres. En effet, qui dit dépôt des offres sur une plateforme de dématérialisation dit signature électronique et ça, cela peut être bloquant pour certaines entreprises. Néanmoins, l’acheteur public peut néanmoins l’imposer dans les documents de la consultation.
La signature peut être électronique ou papier « à l’ancienne ». Là encore c’est en principe noté dans le RC (Règlement de consultation).
L’acheteur va donc te demander de signer ton offre pour qu’elle t’engage.
Si tu réponds en groupement, l’acheteur te demandera l’habilitation du mandataire signée par l’ensemble des membres du groupement.
Dans tous les cas, il vérifiera que le signataire de l’offre dispose bien de la capacité juridique pour engager son entreprise.
# Etape 6 : Information aux entreprises non retenues
Une information des candidats évincés formalisée par un écrit quel que soit la procédure
Une fois que l’acheteur public a reçu tous les documents de l’attributaire pressenti, il DOIT informer les autres candidats du rejet de leurs offres quel que soit la procédure utilisée.
En revanche, le niveau de détail « spontané » varie selon la procédure.
En procédure adaptée, l’acheteur peut se contenter d’indiquer que ton offre n’est pas retenue.
C’est à toi de lui demander les motifs de rejet détaillés ainsi que les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.
Il a 15 jours pour te répondre. Le plus simple est d’envoyer ta demande via le profil acheteur (plateforme de dématérialisation). Tu auras ainsi une date « certaine ». C’est important d’avoir une date qui fait foi quand il y a un décompte de délai pour pouvoir l’« opposer» à l’acheteur public. Un mail ou un courrier simple ne permettra pas de prouver la date d’envoi et de réception de la demande.
En procédure formalisée, l’acheteur public DOIT te communiquer beaucoup plus d’info.
- Les motifs détaillés qui l’on amené à rejeter ton offre
- Le nom de l’attributaire
- Les motifs de choix de l’offre (caractéristiques et avantages de l’offre retenue)
- La date à partir de laquelle l’acheteur peut signer le marché
L’acheteur public a, là encore, l’obligation de te répondre sous 15 jours.
Il est fondamental de comprendre pourquoi ton offre n’a pas été retenue. Recevoir une lettre de rejet n’est jamais agréable. Quand on fait quelque chose ce n’est pas pour qu’on te dise non au bout du compte.
Tu dois comprendre pourquoi. Le pourquoi sera parfois « totalement entendable ».
Par exemple,
Tu n’avais pas trop le temps de travailler ton mémoire technique, tu as été un peu vite et c’est là que tu as perdu des points alors que ton offre financière était très compétitive. OK. Tes tarifs sont bons, c’est déjà ça.
Du coup, tu connais tes axes d’amélioration : Il faut te concentrer sur le côté paperasse et justification. Montrer que tu as bien compris les enjeux du marché et que les moyens / l’organisation que tu projettes de mettre en place sont A-D-A-P-T-E-S.
Un point important. Si ton offre a été rejetée au motif qu’elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, tu ne pourras pas demander de détail sur les caractéristiques et avantages de l’offre retenue.
Pourquoi ? Parce que cette communication de motifs détaillés doit permettre au candidat évincé de contester utilement son éviction devant le juge.
Les limites du contenu de l’information des candidats
L’acheteur public ne peut pas te communiquer toutes les renseignements qui te seraient utiles pour revoir ton positionnement. L’information des candidats ne peut porter atteinte au secret de la vie privée, au secret professionnel ainsi qu’au secret en matière commerciale et industrielle.
Les informations protégées sont les suivantes :
- Les procédés qui recouvre les techniques de fabrication, telles que la description des matériels utilisés et du personnel employé ;
- Les informations économiques et financières, catégorie dans laquelle entrent les informations qui ont trait à la situation économique d’une entreprise, à sa santé financière ou à l’état de son crédit comme par exemple le chiffre d’affaires, les effectifs et généralement toutes les informations de nature à révéler le niveau d’activité ;
- Les stratégies commerciales, catégorie dans laquelle entrent des informations sur les prix et les pratiques commerciales telles que la liste des fournisseurs, le montant des remises consenties, etc.
Timing
Les documents composant la procédure de passation (RAO – PV de la commission – Acte d’engagement…). Ne sont pas communicables avant la signature du marché car protégé par leur caractère préparatoire.
En revanche, ils le deviendront une fois le marché signé mais toujours dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale. L’acheteur masquera ces informations.
Effets de la notification de rejet
Les effets sont de 2 ordres.
La notification de rejet délie de ses engagements l’entreprise qui la reçoit
Par conséquent, si l’acheteur public a été un peu vite et qu’il ne peut attribuer le marché à l’attributaire pressenti vu un problème relevé à l’étape 5 et bien légalement c’est un sans suite et vas-y qu’il faut relancer la procédure.
En procédure formalisée, la notification du rejet fait courir (partir) le délai de standstill
Le délai de standstill est le délai de suspension de la signature du marché. Si tu ne comprends pas les motifs du rejet de ton offre, les trouve fallacieux, cela te laisse le temps de saisir le juge avant la signature du marché (référé pré contractuel).
Le délai est assez court (de 11 jours). Donc, souvent tu devras te décider avant d’avoir reçu la réponse plus explicite que tu as demandé (pour rappel si tu as besoin de plus d’information sur les motifs de ton éviction, tu peux demander des explications complémentaires à l’acheteur public qui a 15 jours pour y répondre. On voit bien que les 2 délais sont incompatibles.
En procédure adaptée, en revanche, il n’y pas de délai de standstill. Par conséquent, dès la réception de la notification, tu dois déposer ton référé pré contractuel si tu as de sérieux doutes sur les conditions d’attribution du marché, pour avoir une chance de suspendre la signature du marché.
# Étape 7 – Notification du marché au titulaire
On parle ici de la signature du marché par l’acheteur public.Il signe électroniquement ou non selon ce qui est indiqué dans le RC.
C’est bien le marché qui impose la forme de la signature et non les textes pour l’heure.
Viens ensuite la notification du marché au titulaire via la plateforme de dématérialisation, une remise en main propre contre récépissé ou avec un traditionnel LR+AR. Peu importe tant que la date est « certaine » c’est-à-dire permettant de prouver la bonne réception de cette notification.
Cela formalise l’accord de volonté entre les 2 parties 👍
Il n’y pas de forme particulière imposée par les textes contrairement aux notifications de rejet en procédure formalisée.
# Étape 8 – Publication de l’Avis d’attribution
Une fois le contrat signé, l’acheteur doit procéder à la publication d’un avis d’attribution au JOUE (Journal Officiel de l’Union Européenne).
Cette formalité permet d’informer sur le nom de l’attributaire ainsi que sur le coût de conclusion du marché public. Il permet également de faire courir les délais de recours contentieux.
Cette publication est obligatoire pour les marchés passés en procédure formalisée. Elle doit intervenir dans un délai de 30 jours à compter de la signature du marché.
A compter de la publication de cet avis d’attribution, tu as très exactement 31 jours pour exercer un recours en référé contractuel. Si l’acheteur ne publie pas d’avis d’attribution, ce délai passe à 6 mois.
En procédure adaptée, la publication d’un avis d’attribution au JOUE est facultative. Si elle est faite, même règle : le délai pour exercer un recours en référé contractuel passe à 31 jours au lieu de 6 mois.
Parfois, en procédure adaptée, l’acheteur public préférera publier un avis d’intention de conclure. Cet avis intervient au moment de l’envoi des notifications de rejet (étape 6). Cet avis remplace l’avis d’attribution et revient pour l’acheteur à s’imposer un délai de standstill de 11 jours avant de signer le marché. Le délai court à compter de la publication de l’avis par le JOUE.
Cette pratique n’est pas très courante car elle allonge le délai de notification du marché. Souvent, en procédure adaptée le maître mot est d’aller vite.
La trilogie des coulisses est terminée ! Ce qu’il se passe une fois que tu as déposé ton offre sur la plateforme de dématérialisation de l’acheteur n’a désormais plus de secret pour toi. Un homme averti en vaut 2.
N’hésite pas à me poser des questions sur le formulaire de contact !