Lorsque je pose la question sur ce qui empêche les entreprises de se lancer dans les marchés publics, je suis, comme on dit, rarement déçue du voyage…
On va dire que les marchés publics n’ont pas vraiment la cote pour certains d’entre vous. Alors, mérité ou exagéré, on voit ça tout de suite avec les 5 raisons qui reviennent le plus souvent pour ne pas investir du temps là dedans et mes arguments de réponse presque en direct live !
Argument n°1 – C’est incompréhensible avec plein de sigles et de termes qu’ils sont seuls à comprendre
Aie ça commence fort !
Que dire sauf que …ce n’est pas faux ! Argument suivant … Non, allez, je vais tenter de contre argumenter…
Les marchés publics sont, comme d’autres matières, pleines de sigles, de jargon métier et de règles particulières. Cela ne serait pas gênant si la matière pouvait rester entre « personnes spécialistes” mais ce n’est pas le cas.
Un marché public, finalement, ce n’est qu’un moyen d’achat pour une certaine catégorie de personne.
Les personnes en question sont appelées acheteurs publics qu’ils viennent de la sphère publique ou privée gérant un service public. C’est à ce titre qu’ils doivent suivre des règles d’achat particulières.
Le marché public est une courroie de transmission entre une offre et une demande.
Or, une simple courroie n’a pas, en principe, vocation à « coder » la demande ou de la complexifier.
Les acheteurs publics doivent veiller à simplifier au maximum le message mais, c’est loin d’être toujours fait.
Au stade de la candidature : DC1-DC2 DC4
Au stade de la candidature, il y a déjà les documents cerfa avec leurs petits noms DC1 DC2 voire DC4.
Pourquoi utiliser ces documents et ne pas plutôt transmettre le contenu attendu ?
Et bien, parce que c’est plus simple. Ces documents donnent le “squelette” des réponses attendues. Une fois que tu sais où trouver le document , tu n’as plus qu’à répondre aux différents items.
Les documents sont accompagnés de notices explicatives sur le site du ministère de l’économie et des finances. Elles te guident et t’expliquent comment compléter ces documents types.
Au stade de l’offre : comprendre le cahier des charges
Indépendamment du besoin technique qui, lui, doit te parler car c’est ton cœur de métier, il y a tout un vocabulaire lié à la structure de l’offre et à la compréhension des implications de différences procédures.
Comprendre la structuration du besoin de l’acheteur
Le besoin est constitué de plusieurs strates.
Bien comprendre la structuration du besoin, c’est savoir où porter ses efforts et augmenter ses chances de taper juste avec sa proposition.
Ce que l’acheteur va acheter
L’offre de base appelé aussi solution de base ou la tranche ferme. C’est la même chose mais cela suppose qu’il y ait au moins une tranche optionnelle.
Ce que l’acheteur achètera peut être
Variante/Tranche optionnelle/PSE (prestation supplémentaire éventuelle)/Option.
Toutes ces notions représentent des chiffrages complémentaires qui vu les prix proposés par les candidats pourront venir compléter la solution de base voire la modifier dans le cas de la variante.
Comprendre la procédure dans laquelle on se trouve
La procédure sur laquelle tu candidates est toujours précisée dans l’avis de publicité (AAPC) et le RC (Règlement de consultation).
Pour faire simple, je prends les 2 procédures phares :
La procédure adaptée.
En principe, le montant du marché est inférieur aux seuils européens (ils changent tous les 2 ans, sinon ce serait moins drôle) néanmoins il existe des marchés adaptés par nature sur des services dits spécifiques limitativement prévus.
La procédure adaptée permet la négociation dans les conditions précisées dans le RC
Si rien n’est précisé dans le RC ou l’avis de publicité, les variantes sont autorisées.
L’appel d’offres
Le montant est moins facile à déterminer en matière de fournitures et services qu’en matière de travaux.
En travaux, le montant de l’opération totale est pris en compte. C’est à dire qu’on additionne le montant de tous les lots (corps de métiers) qui concourent à la réalisation d’un même ouvrage. Cela signifie que si tu vois marquer appel d’offres européen, le montant du marché ne sera pas forcement à 6 chiffres. C’est bien la somme de tous les lots qui le sera.
En fournitures et/ou services, c’est moins facile.
- Soit le marché en lui même, pris isolement, est supérieur aux seuils européens,
- soit ce type d’achat, au niveau de l’acheteur public, sur une année, est additionné à d’autres achats car appartenant à la même famille d’achat. On parle de prestations dites homogènes. Cela oblige l’acheteur public à passer par une procédure plus contraignantes (l’appel d’offres) alors que le montant du besoin, pris isolement, pourrait être traité par une procédure adaptée.
En conclusion il ne faut pas se fier au type de procédure pour en déduire un montant estimé du marché. Tu n’as pas toutes les cartes en mains. Il convient de baser ta proposition de prix sur ton expérience et non au regard de la procédure lancée qui peut t’induire en erreur.
Dans tous les cas, en appel d’offres européen, il est impossible de négocier.
Si rien n’est précisé dans le RC ou l’avis de publicité, les variantes sont interdites
Type de procédure : ouverte ou restreinte.
La procédure adaptée comme l’appel d’offres peuvent être lancés en mode ouvert ou en mode restreint.
Le mode n’a rien à voir avec le niveau d’ouverture à la concurrence même si le terme est plutôt maladroit, j’en conviens.
En fait, cela signifie que l’entreprise répond en un seul temps (ouvert) ou en 2 temps (restreint).
- Procédure ouverte : tu dois remettre ta candidature + ton offre en même temps = un seul temps
- Procédure restreinte : tu dois remettre ta candidature (1er temps), elle est analysée et si elle est jugée en capacité de réaliser la prestation, l’acheteur public t’envoie le dossier de consultation (DCE) qui équivaut au cahier des charges et tu remets ton offre (dans un 2nd temps).
En conclusion, quand tu veux diversifier ta clientèle et t’intéresser à la sphère public, tu te heurtes à tout un folklore qui va te demander de la concentration, de la ténacité et un peu de temps. Néanmoins, rien n’est insurmontable et google est ton ami. Le droit des marchés publics est un droit très écrit. Ce site en est un exemple.
Argument n°2 – C’est beaucoup de paperasse pour pas grand-chose au final
Beaucoup de paperasse ? Ca dépend de quel coté on se place.
Côté acheteur public, il peut avoir besoin d’expliciter son besoin avec de nombreux documents qui se complètent les uns les autres.
Coté candidat, il peut vouloir réutiliser certaines plaquettes de présentation ou partie de mémoire technique dans sa réponse à la consultation. Cette tactique n’est pas forcement payante comme on va le voir.
Le DCE (dossier de consultation entreprises)
Les DCE (cahier des charges) peuvent être lourds. C’est plutôt le cas des marchés de travaux avec plusieurs corps d’état. On parle de marché alloti ce qui signifie que l’opération est divisée en plusieurs lots. Tu est sensé prendre connaissance du lot sur lequel tu entends te positionner mais également les lots avec lesquels tu peux avoir des interactions. L’objectif est de visualiser et chiffrer le cas échéant les impacts potentiels sur ton propre lot même s’ils ne figurent pas dans ton cahier des charges.
Le besoin doit être préalablement décrit et calibré afin de pouvoir être chiffré par l’ensemble des candidats disposant du même niveau d’information.
A part ce type de marchés, il n’y a pas de paperasse inutile.
- L’avis de publicité a un but informatif
- le RC (règlement de consultation) fixe la règle du jeu
- le CCTP (la description du besoin technique)
- la pièce financière (DPGF- BPU/ DQE) : le chiffrage du besoin technique
- le CCAP (les conditions administratives du contrat°
- L’AE (acte d’engagement) : l’accord de volonté entre les parties
La réponse apportée à la consultation
Le nombre de page n’est pas un critère de la qualité de la réponse.
La réponse doit être spécifique et en mode miroir avec le RC.
De plus en plus souvent, l’acheteur public propose un cadre de réponse de mémoire technique afin d’avoir du spécifique et non du « copier coller » ou des généralités sans lien avec les particularités du marché.
En revanche, dans le spécifique, n’hésite pas à détailler ce que tu entends faire pour assurer la bonne exécution du marché. Toi, tu sais faire, tu as l’expérience.
Certaines choses vont te paraitre évidentes mais l’acheteur public veut être rassuré sur ta bonne compréhension de son besoin et sur ton aptitude à bien y répondre avec les moyens et l’organisation adaptés.
En conclusion, ce n’est pas tant un problème de trop de paperasse mais un temps de réponse laissé aux entreprises parfois très juste.
Etudier correctement les pièces du marché, pouvoir y répondre de manière la plus efficace possible tout en ayant à l’esprit que la réponse au marchés publics n’occupe personne à plein temps. C’est un savoir faire utile et rentable pour t’amener de nouveau contrat mais encore faut il que tu ais le temps de les réaliser.
Argument n°3 – Si tu n’es pas pistonné tu n’arrives à rien
Voilà l’argument que j’attendais. L’argument massue : la rumeur.
Un petit vent qui vient d’on ne sait plus trop où, véhiculé par on ne sait plus trop qui, qui sait que M. X a eu le marché alors qu’apparemment il n’était pas le meilleur mais son frère connait la tante de M. Y et donc, c’est grâce à ça qu’il a eu le marché.
A lors oui il ya quelques affaires qui font les gros titres. Oui ça doit exister mais combien sur le nombre de marchés lancés et attribués chaque année ?
La sphère public est assez frileuse. La réglementation offre de nombreux gardes fous; Il n’y a pas d’équivalent dans le privé. Comment une entreprise générale de travaux public choisi ses sous traitants ? Est ce qu’elle choisi systématiquement les mêmes prestataires, les met en concurrence sur autre chose que le prix ?
Qui en parle ?
Alors oui il y a quelques affaires mais il y a aussi beaucoup de procédures qui se déroulent sans interférence ni pression.
Il va sans dire que décrocher un marché représente un peu plus qu’une formalité. Il faut maitriser la méthode de réponse et c’est rarement inné.
Par conséquent, j’ai envie de dire aux déçus des marchés publics:
« Persévérez et d’apprenez de vos erreurs. Demandez les motifs qui ont fait que vous ne l’avez pas remporter. »
Comprendre permet de ne pas faire 2 fois les même erreurs et de progresser.
En conclusion, n’écoute pas les déçus des marchés publics., Persévère, répond point par point aux demande de l’acheteur, demande pourquoi tu n’as pas été retenu, demande les rapport d’analyse.
Il faut comprendre pour réajuster et retenter jusqu’à la victoire une fois que tu auras forgé ta méthode.
Argument n°4 – C’est trop long pour être payé
Argument qui a la vie dure même si les délais de paiement se sont beaucoup améliorés.
En moyenne les délais de paiement sont à 30 jours sauf établissements de santé et entreprises publiques.
Selon une études récente (2020) sur le sujet, plus la collectivité est petite plus vite tu es payé. Cette règle veut d’ailleurs également pour les entreprises privées.
J’ai fait un article complet sur le sujet. Je t’invite vraiment à le lire. C’est très surprenant et pas dans le sens où on le penserait, loin de là.
Argument n°5 – La réglementation change tout le temps, on n’arrive pas à suivre.
C’est fini !!! Enfin, j’espère. Depuis Avril 2019 le code de la commande publique est entré en vigueur.
L’objectif a été de rassembler tous les textes relatifs à la commande publique dans un même document et de les organiser de manière cohérente. Les enseignements de la jurisprudence ont également été intégrés dans ce code.
Il n’en reste pas moins que la matière n’est pas très intuitive et on reboucle avec l’argument n°1 mais quel potentiel de développement !
Alors, oui une formation est sans doute nécessaire mais une fois l’argument n° 1 neutralisé le champ des possibles s’offre à toi.
En conclusion, une codification unique du droit de la commande publique a été réalisée. Une certaine pérennité de ces textes est prévisible. Internet ne fait pas toujours le tri entre nouvelle et précédente réglementation. La formation est sans doute le plus court chemin pour faire le tri et performer dans ses réponses. Encore une fois, remporter un marché n’est jamais un coup de chance, c’est de la méthode.
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