C’est comme tout; Avant de savoir si c’est intéressant pour ton entreprise, il faut savoir où on met les pieds. C’est quoi un marché public par rapport à un contrat privé ? Un marché public est il d’ailleurs toujours un contrat avec des règles du type « pot de terre contre pot de fer » ? Commençons par une définition des marchés publics, définir les acteurs et les principes qui sous tendent ces contrats et qui sont autant de garde-fous pour toi.
Définition d’un marché public
C’est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au droit de la Commande Publique avec un ou plusieurs opérateurs économiques, [toi], pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, services ou fournitures en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent.
Un contrat…
Un marché public est donc tout d’abord un acte contractuel qui suppose l’accord de volonté entre 2 parties. L’accord de volonté porte sur le contenu du contrat : le cahier des charges. Le cahier des charges comprend les éléments suivants :
- L’avis de publicité (le vrai terme : Avis d’Appel Public à la Concurrence, tu verras souvent le terme AAPC)
- Le Règlement de la Consultation (RC). C’est en quelque sorte la règle du jeu pour répondre au marché. A lire en priorité.
- Le Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP) : LE BESOIN de l’acheteur qui doit correspondre à ton expertise
- La pièce financière à compléter : Décomposition de Prix Général et Forfaitaire (DPGF) pour un marché forfaitaire et Bordereau de prix unitaires (BPU) pour un marché à prix unitaires. Le BPU peut s’accompagner d’un Détail Quantitatif Estimatif (DQE) permettant à l’acheteur public de comparer les offres entre elles.
- Le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) : Tes droits et tes obligations. La règle du jeu, cette fois, lors de l’exécution du marché.
- L’Acte d’Engagement (AE) : l’accord de volonté signé des 2 parties et qui fait références aux autres documents du marché. Ce n’est plus une pièce obligatoire au stade de la remise de l’offre, néanmoins, certains acheteurs le mettent encore. Pas d’inquiétude en tout cas si cette pièce n’est pas dans le DCE. Dans tous les cas, s’il n’a pas été transmis avant, il sera nécessairement transmis à l’attributaire final en fin de procédure.
- Les éventuels documents annexes : plans, rapports permettant de mieux comprendre le besoin dans son contexte, environnement, spécificité etc
… de droit public ou privé…
Pour identifier la nature du marché, il suffit de se reporter à celle de l’acheteur.
Si l’acheteur est une personne publique, le marché public est un contrat administratif. Il est alors soumis à un régime de droit public et dans ce cadre l’acheteur dispose de prérogatives justifiées par l’intérêt général dans l’exécution du marché. Il pourra par exemple résilier de manière unilatérale le marché ou le modifier dans un but d’intérêt général.
En cas de contentieux, il faudra saisir les juridictions administratives pour toute action au fond. Tu es également soumis aux effets du principe de continuité du service public et tu ne peux pas, en principe, suspendre ou interrompre l’exécution du marché en invoquant le principe de l’exception d’inexécution alors même que l’acheteur public ne respecterait pas ses propres obligations contractuelles. Je développerais ce point plus longuement dans la partie exécution du marché.
En revanche, si l’acheteur est une personne privée, le marché public est un contrat de droit privé. Cela peut paraître incohérent mais c’est très fréquent. Une SA HLM par exemple exerce une mission de service public (la construction et la mise à disposition de logements sociaux à un public éligible). C ‘est, néanmoins, une société anonyme de droit privé et si tu as un contentieux sur l’exécution d’un marché c’est bien le juge du tribunal de commerce qu’il faudra saisir et non le tribunal administratif. Pas de clause touchant à l’intérêt général dans ce type de marché et le titulaire du marché peut invoquer l’exécution d’inexécution lorsque l’acheteur ne respecte pas ses propres obligations contractuelles.
… portant sur la réalisation d’un besoin défini…
Tous les secteurs d’activités sont concernés et peuvent être classés en 3 catégories de marchés publics qui se distinguent par leur objet :
- les marchés de fournitures : dont l’objet peut être l’achat, la prise en crédit bail ou la location vente de produit. Les fournitures peuvent être de tout type : fournitures de mobilier, consommables, papeterie, véhicules…,
- les marchés de services : dont l’objet est la réalisation de prestation de service : formation, maintenance, gardiennage, nettoyage, informatique, conseils en tout genre… Les marchés de prestations intellectuelles entrent également dans cette catégorie (typiquement les marchés de maîtrise d’oeuvre (Moe) bureau d’études etc
- les marchés de travaux dont l’objet est l’exécution ou la conception et exécution d’un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil (construction , réhabilitation – gros entretien comme gros œuvre, second œuvre…)
…avec une contrepartie financière ou équivalente
Dès 1€ c’est un marché public ! En revanche, le montant du marché détermine le caractère plus ou moins contraignant de la procédure. Pour faire simple, plus le montant du besoin est élevé plus la procédure est contraignante pour l’acheteur public et donc, de facto, pour toi aussi. En fait, pourquoi toutes ces contraintes pour acheter ? C’est en fait pour pouvoir recueillir un maximum d’éléments de preuve attestant que les deniers publics ont été utilisés le mieux possible. Plus c’est cher plus la mise en concurrence est large (au niveau européen quand le montant du besoin dépasse certains seuils). Par conséquent , pensez que son entreprise est trop petite pour répondre à un marché est une erreur et cela ne doit pas t’arrêter. Il y a de la place pour tout le monde et un coup d’œil au cahier des charges te permettra de savoir si tu as tes chances ou non sur une affaire donnée. En plus, il est toujours possible de répondre en groupement ! La taille de ton entreprise ne doit pas être un frein, mais nous verrons cela plus tard…
Le « ou équivalent » peut être varié, l’esprit humain n’a pas de limite. C’est le cas pour la fourniture gratuite de mobilier urbain contre l’attribution d’exploiter de manière exclusive les panneaux publicitaires présents sur le dit mobilier. C’est également le cas pour tous ce qui est tickets restaurants, chèques vacances et déjeuner où l’attributaire se rémunère auprès du commerçant et pourtant cela coûte 0€ à l’acheteur public.
Les acteurs
Les parties au marché public sont, d’une part, les acheteurs publics et, d’autre part, les opérateurs économiques.
Qui sont les acheteurs soumis au code de la commande publique (CCP) ?
On parle de pouvoir adjudicateur.
Le pouvoir adjudicateur est la personne qui procède à un achat public. Sont des pouvoirs adjudicateurs les personnes qui relèvent du secteur public et du secteur « parapublic » c’est à dire sous influence du secteur public. Ce sont :
- Des personnes morales de droit public tels que, par exemple, l’État et ses établissements publics administratifs et industriels et commerciaux (l’UGAP par ex), les collectivités territoriales et leurs établissements publics locaux, les groupements d’intérêts publics, etc.
- Des « personnes morales de droit privé » qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial et dont :
- « a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
- « b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
- « c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur »
C’est le cas par exemple des sociétés telles que les sociétés HLM, EDF, SNCF et ses filiales, l’ONF, l’ADEME…
Les opérateurs économiques
Les fournisseurs et prestataires peuvent être des entreprises, des personnes physiques ou des personnes publiques. Ils sont qualifiés d’opérateurs économiques. Le principe d’égalité de traitement des candidats interdit à l’acheteur de favoriser telle ou telle catégorie d’entreprise. C’est le cas par exemple les entreprises locales.
Résultat d’une nécessaire mise en concurrence très encadrée
Un carcan de règles pour l’acheteur…
Les acheteurs sont soumis à de très nombreuses règles avant de pouvoir acheter quoi que ce soit. Cette réglementation est désormais contenue dans un code , le code de la Commande Publique (CCP) en vigueur depuis avril 2019. Cela ne veut pas dire qu’avant cette date ils pouvaient acheter comme ils le souhaitaient mais juste que désormais toute la réglementation est concentrée dans un texte unique. C’est important car si tu penses que dans les marchés publics tout est plus ou moins couru d’avance et que ça ne sert à rien d’y aller ! C’est faux ! Il est beaucoup plus difficile pour un acheteur soumis au CCP de « faire passer » celui qu’il veut que dans le privé pur. Pourquoi ? Parce que l’acheteur a un nombre incalculable de justificatifs à fournir et à écrire. Et écrire c’est s’engager et prendre ses responsabilités. Du coup, quand on ne suis pas les règles on risque sa place et ça fait forcement réfléchir… Alors oui il y a des affaires qui font les gros titres ! Ça doit exister mais combien de marchés passés par an et combien de marchés où l’attribution est pipée parce que c’est un proche de X ou de Y ? Quel ratio par rapport au privé ? Les média aujourd’hui sont à l’affût de ce genre d’histoire croustillante et un élu ou un dirigeant nommé a sans doute plus à perdre qu’à gagner dans ce genre de manœuvre. Au cours de ma carrière, je n’en ai pas vu à une exception près… Il y a eu une tentative une fois, mais devant le gap à franchir entre la valeur de l’offre de l’entreprise « poussée » et celle qui devait sortir première, mon dirigeant de l’époque n’a pas pris le risque et en ma qualité de responsable juridique, je n’ai pu que m’en féliciter !
Quand un opérationnel d’un service métier estime que l’entreprise A est plus à même de répondre au besoin que l’entreprise B mais que l’offre de A n’est pas à la hauteur de l’offre de B, c’est B qui remporte le marché. Le blabla contre le factuel ça ne tient pas en marché public d’où l’importance de bien soigner sa réponse technique. Si ta réponse technique répond point par point aux demandes de l’acheteur tu diminues la marge de subjectivité qui est inhérente à l’analyse de l’offre technique. Il faut en tirer des enseignements… Cela signifie que :
- si tu as présenté ton offre à ton client opérationnel ou à son représentant éventuel (maître d’oeuvre en matière de travaux ou assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) ou conseil), bref, celui qui est en charge de réaliser l’analyse des offres.
- s’il a l’air conquis par ton produit, ta structure, tes valeurs, et que sais je encore,
ce n’est pas gagné pour autant sauf peut être si son besoin est « one shot » et inférieur à 40 K€ mais là encore j’en parlerai plus tard. C’est une erreur de se dire « j’ai déjà travaillé pour eux, ils ont été contents du coup je ne vais pas forcer sur mon mémoire technique. S’ils ont des questions, ils ont mes coordonnées ». Trop d’entreprises pensent encore que la consultation n’est qu’un habillage et qu’elles remporteront le marché parce qu’elles connaissent Pierre ou Paul. Du coup, elles ne « forcent pas » et proposent des mémoires techniques beaucoup moins bons que ceux de leurs concurrents avec un prix « classique ». Et en toute logique, elles ratent le coche. Je te renvoie à Les Marchés Publics : pourquoi s y intéresser ?
En marché public tu réponds forcement à un besoin préalablement exprimé, défini et décrit dans un cahier des charges, document présent dans le dossier de consultation (DCE). Par conséquent, sont appréciés et analysés les documents transmis pour une opération donnée c’est à dire des données factuelles à un instant T et non les bonnes réalisations, relations, rencontres passées. Dans un organisme public ou para public tu as le ou les services opérationnels qui intéresse ton activité et également un staff de services support comme le service marché, ou service de la commande publique (ou service achat public, peu importe la terminologie), qui sont chargés de vérifier la légalité des rapports d’analyses en toute impartialité et au regard des grandes règles de la commande publique. Ces grandes règles de la commande publique sont très protectrices et sont au nombre de 3 :
- Le libre accès à la commande publique
- L’égalité de traitement entre les candidats
- La transparence des procédures
Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces principes impliquent de nombreux garde-fous pour les entreprises.
…mais protectrices pour les entreprise
Le libre accès à la concurrence.
Si personne ne sait qu’il y a un besoin, comment garantir qu’il y a eu mise en concurrence ? La liberté d’accès à la commande publique est, pour moi, le 1er des principes. A partir de 40K€, dès le 1er janvier 2020 ⇒publicité obligatoire, donc accès à l’information pour les entreprises. Publicité ne signifie pas forcement Publication mais a minima tu trouveras l’info sur le profil acheteur (plateforme de dématérialisation) de la structure qui t’intéresse. Les dossiers sont téléchargeables gratuitement. Avoir accès à la commande publique est donc gratuit et garantie dès 40K€.
Et en deçà ? Depuis quelques années, les pouvoirs publics, bien conscients que cette accumulation de règles ralentissait les procédures d’achat dans la sphère publique et para publique, on ajouté un principe nouveau « l’efficacité de la commande publique ». La problématique posée a été la suivante : si les acheteurs passent trop de temps à mettre en concurrence, étudier les offres, rédiger un rapport d’analyse, cela correspond à des coûts de fonctionnement importants . Si ces coûts sont supérieurs, ou du moins disproportionnés par rapport au coût de mon besoin ou si cela amène une lenteur jugée excessive à la satisfaction du besoin, l’efficacité de la commande publique nécessite de simplifier le process. Une simplification possible est de passer avec l’entreprise qu’on estime à même de satisfaire ce besoin, rapidement et à un coût correct. Il y a quand même des garde-fous et la mesure est encadrée mais 40 K€ ça commence à être intéressant. Par conséquent, créer du contact avec l’acheteur public a du sens.
L’ égalité de traitement entre les candidats.
Quelques illustrations de ce principe : Un besoin écrit et décrit à l’avance dans un cahier des charges, une règle du jeu affichée, un délai unique et affiché pour répondre, une plateforme pour poser ses questions, déposer son offre, une garantie par la plateforme que son pli ne sera pas ouvert avant la dead line (système bloqué par l’opérateur externe), une analyse écrite aux vues de critères de candidatures et des offres affichés dans le Règlement de consultation (RC = règle du jeu). La possibilité de demander des explications, le rapport d’analyse, des explications ++ et en cas de doute de faire un recours. Tout est cadré pour éviter les déviances.
La transparence des procédures.
Fluidité des échanges, procédures écrites dans la Code de la Commande Publique. Quand tu réponds à une procédure donnée tu sais comment cela va se dérouler, selon quels critères ton offre et ta candidature vont être analysées, avec quelles pondérations… La règle du jeu (RC) est affichée et connue à l’avance Tu peux demander des explications sur les motifs du rejet de ton offre, savoir les avantages de l’offre attributaire, demander le rapport d’analyse… Bref, si tu sais t’en servir et utiliser toutes les ficelles, le pot de terre n’est pas toujours celui qu’on croit !!
Se justifier encore et encore pour l’acheteur public, ce n’est pas une force mais un devoir et une obligation. Il sait que s’il répond à côté, n’est pas convaincant, laisse planer le doute dans sa réponse, tu pourras l’amener au contentieux, geler le marché et ça il n’aime pas trop. Tu l’as compris ! Tu as aussi ton lot de pouvoir dans les marchés ! Donc rejoins le groupe FB « les marchés publics en mode warrior » pour ne plus subir et inverser la vapeur !