Qu’est ce qu’un accord cadre par rapport à un marché public ? Est ce diffèrent ? A quoi ça sert et quelles sont les particularités de ce type de contrat. Je réponds à toutes ces questions dans cet article.
A quoi sert un Accord cadre ?
Accord cadre (AC) : Contrat qui permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat fixant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée (L2125-1 1° du Code de la Commande Publique).
Un accord cadre est donc une forme particulière de marché public qui revient à contracter en 2 temps :
Temps 1 : L’acheteur public présélectionne les entreprises les plus à même à répondre à son besoin. La présélection est plus large que la seule candidature car elle porte sur la candidature ET sur l’offre.
Temps 2 : L’acheteur public passe commande avec mise en concurrence ou non, selon que l’AC soit mono attributaire ou multi attributaire (on voit ça plus bas dans l’article) et par l’émission de bons de commande soit par des demandes de chiffrage de marchés subséquents (MS), lorsque l’acheteur aura un besoin précis.
C’est une technique d’achat qui permet à l’acheteur public de gérer ses commandes lorsqu’il ne connaît pas, avec certitude et à l’avance, l’étendue et la fréquence de survenance de son besoin.
Concrètement, cela permet à l’acheteur d’avoir un éventail de prix, le plus large possible, afin de répondre à, presque, n’importe quel besoin qui surviendrait sur une nature de prestation définie et sur un temps donné. En principe un AC a une durée maximale de 4 ans.
Les entreprises sélectionnées sont dans une situation d’exclusivité durant toute la durée de l’AC. L’AC est donc un “dispositif fermé”: aucun autre attributaire ne peut entrer pendant la durée d’exécution de l’AC.
Quelle procédure correspond à un Accord cadre ?
L’AC est une technique d’achat, par conséquent, il n’a pas une procédure dédiée ou spécifique. Il est passé selon la procédure adaptée (MAPA) ou la procédure formalisée selon la valeur estimée du besoin auquel l’AC répond.
En revanche, si l‘accord cadre ne fixe pas de maxi, il est forcement passé selon une procédure formalisée.
Petit rappel : comment l ’acheteur public calcule la valeur estimée de son besoin ?
La valeur estimée du besoin se calcule en multipliant la montant annuel maxi par la durée maximale possible indiqué au marché (c’est à dire reconductions comprises). Si le besoin est alloti (décomposé en lot géographique par exemple) et il faut également additionner chaque lot.
Ex:
Admettons que mon seuil européen soit fixé à 200 000 € pour les marchés de fournitures et services.
L’acheteur public lance un marché de nettoyage décomposé en 5 lots géographiques.
Lot 1 : zone A – maxi annuel 20 000 € sur une durée max de 4 ans = 80 000 €
Lot 2 : zone B – maxi annuel 10 000 € sur une durée max de 4 ans = 40 000 €
Lot 3 : zone C – maxi annuel 20 000 € sur une durée max de 4 ans = 80 000 €
Lot 4 : zone D – maxi annuel 20 000 € sur une durée max de 4 ans = 80 000 €
Lot 5 : zone E – maxi annuel 15 000 € sur une durée max de 4 ans = 60 000 €
Soit au total 340 000 € => Procédure formalisée alors que le montant annuel des marchés pris de manière isolée est totalement réalisable pour une petite entreprise.
Par conséquent, ne te laisse pas impressionner par la notion de procédure formalisée, le type de procédure n’est pas toujours un indicateur du volume du marché car chaque marché peut être un composant d’un ensemble plus large et c’est cet ensemble qui guide le type de procédure menée.
Niveaux d’engagement mini maxi et conséquences
L’AC peut être conclu :
- avec un mini maxi en valeur ou en quantité,
- sans maxi mais avec un mini,
- sans mini mais avec un maxi
- sans mini maxi.
Minimum fixé = un droit à indemnisation
En cas d’Accord cadre mono attributaire
Si un mini est indiqué mais non respecté par l’acheteur public, sa responsabilité est engagée et tu es en droit d’être indemnisé du manque à gagner.
Le manque à gagner indemnisable est définie comme la marge nette supplémentaire qu’aurait dégagée le titulaire en cas d’exécution des commandes manquantes pour atteindre ce minimum (CE, 18 janvier 1991, Ville d’Antibes c/ SARL Dani, n° 80827).
La rémunération de tes employés n’est indemnisable que s’il est démontré que cette rémunération constitue une charge qui aurait été couverte par le règlement du minimum prévu par l’accord-cadre.
La jurisprudence a pu admettre, également, que les frais d’études engagés pour la réalisation de prestations spécifiques ou encore les frais inhérents à la mobilisation du personnel pour l’exécution du marché public soient mis à la charge de l’acheteur (CAA Nancy, 23 mars 2006, Commune de Sarreguemines n° 03NC00173 ; CAA Paris, 3 juin 2008, UGAP c/ Tryonyx, n° 06PA02468)
En cas d’Accord cadre multi attributaires
C’est plus compliqué car le mini est réparti entre plusieurs titulaires.
Aucune sous répartition entre les titulaires n’est précisé, en principe, dans l’AC. Par conséquent, vu qu’aucun montant mini par titulaire n’est déterminé avec certitude, aucun préjudice “certain” n’est indemnisable.
Pas de jurisprudence sur le sujet. Il faudra bien vérifier que cela vaut le coup d’aller au contentieux aux vues des bénéfices attendus.
Maximum fixé = maximum de ton engagement aux prix contractuels
Si un maximum est indiqué et atteint et que l’acheteur public souhaite le dépasser, il doit te proposer un avenant. Tu peux l’accepter, le refuser, augmenter ton prix. Tu n’es plus tenu par ton offre.
Sans mini maxi = quantité globale des prestations doivent figurer la publicité
Si l’AC est lancé sans mini maxi, l’acheteur public doit mentionner dans l’avis de publicité (AAPC) la quantité ou l’étendue globale des prestations objets du marché (CE 24 octobre 2008 n°31360 Communauté d’Agglomération de l’Artois).
Ce n’est pas une obligation, en revanche, si les mini maxi sont précisés (CE 18 juin 2010 OPAC Habitat Marseille Provence n°335611).
Par conséquent, si l’AC sans mini maxi, ne prévoit pas cette information, une petite question sur le sujet en cours de procédure est toute indiquée (Les questions en cours de consultation ) et te permettra de dimensionner ton offre.
Types d’Accord Cadre
L’article R2162-2 du CCP distingue 2 types d’AC :
- Celui fixant tous les termes (c’est à dire prestations et prix fixés), il est exécuté au fur et à meures de la survenance des besoins par l’émission de bons de commande.
- Celui ne fixant pas tous les termes, il donne lieu à la conclusion de marchés subséquents
Dans les faits, il peut y avoir un AC du 3 ème type c’est à dire “mixte“, pouvant être exécuté en partie par la conclusion de marchés subséquents et en partie par l’émission de bons de commande, à condition que l’acheteur identifié les prestations relevant des différentes parties de l’accord cadre (article R2162-3 CCP).
Accord cadre à bons de commande (ancien Marché à Bons de Commande)
L’AC avec émission de Bons de commande est le nouveau nom du marché à bons de commande.
Il s’agit d’un contrat à exécutions successives pour lequel le prix et les prestations sont préalablement déterminés. L’incertitude réside uniquement dans les quantités qui seront commandées et le calendrier de commande.
On dit que “tous les termes sont fixés”.
« Termes » signifie stipulations contractuelles. Les termes sont les prestations et les prix. Ils sont contractuels dès l’AC et ne peuvent être modifié lors de l’émission des bon de commande. En revanche, il est souvent délicat de tout prévoir dans l’AC au niveau des prestations nécessaires. Par conséquent, comme tout marché, il peut faire l’objet d’avenants venant ajouter des prestations avec la limite classique du non bouleversement de l’économie du marché (modification de l’équilibre du contrat).
Il est également toléré de pouvoir commander un faible pourcentage de “hors marché” lorsque des prestations annexes/connexes à la prestation principale, elle contractuelle, ne sont pas prévues au marché, sont nécessaires à la bonne exécution de la prestation principale mais rarement mise en œuvre. Pour éviter la rédaction d’un avenant pour l’ajout d’une prestation “spot” qui a peu de chance de se renouveler et pour rester “efficace”, cette pratique se rencontre fréquemment.
L’AC à bons de commande s’exécute au fur et à mesure de la survenance des besoins prévus à BPU (bordereaux de prix unitaires) par l’émission unilatérale de bons de commande.
Cet AC peut être mono attributaire (un titulaire du marché) ou multi-attributaires (plusieurs titulaires du marché).
En cas d’Accord cadre mono attributaire
La survenance d’un besoin entraîne une commande par bon de commande fixant les prestations à réaliser (lignes du BPU) et les délais d’exécution.
Tu as une exclusivité sur les prestations listées dans l’AC et sur la zone géographique couverte sauf mention contraire dans l’AC.
En cas d’Accord cadre multi attributaires
L’attribution des bons de commande s’effectue sans négociation ni remise en concurrence des titulaires. La répartition entre les titulaires doit se faire selon des modalités objectives, transparentes et non discriminatoires.
L’AC doit mentionner cette clé de répartition. Cette clé ne peut pas relever du seul pouvoir discrétionnaire de l’acheteur public. Si rien n’est prévu, c’est une fragilité du contrat.
Si tu es titulaire de l’AC et a peu ou pas de commande contrairement aux autres titulaires de l’AC, tu as la possibilité d’exiger des explications auprès de l’acheteur et la transmission de la copie des bons de commande (communicable dans le cadre de la loi du 17 juillet 1978, sous réserve des conditions liées au secret). Si l’acheteur public ne t’apporte aucune justification, tu seras légitime à demander une indemnisation devant le juge.
La réglementation ne définit pas de méthode.
Dans les faits, tout est donc imaginable du moment que c’est objectif, transparent et non discriminatoire. Le partage des prestations n’est pas obligatoirement égal.
En pratique, ces 3 méthodes se rencontrent souvent :
- L’émission des bons de commande dite « en cascade »
Cette méthode consiste à faire appel en priorité aux titulaires les mieux-disant.
L’acheteur contacte donc systématiquement le titulaire dont l’offre a été classée première. Si celui-ci n’est pas en mesure de répondre dans les délais exigés, l’acheteur s’adresse ensuite au second, etc…
Par conséquent, si tu es classé en dernier, tu auras beaucoup moins de chance de travailler.
- Une autre règle est celle du pourcentage
Cela consiste à prévoir un engagement maximum par titulaire.
- Enfin la méthode dite « à tour de rôle »
Pour chaque bon de commande, le choix du titulaire s’effectue par roulement :
-
- selon l’ordre de classement des offres ou par ordre alphabétique) par période de x mois ou non, tout est imaginable.
Cette répartition « à tour de rôle » se fait sans distinction du montant financier de chaque bon de commande.
En conclusion, un mécanisme de répartition juste permet à l’acheteur de conserver d’excellentes relations contractuelles avec ses fournisseurs mais aussi d’être protégé en cas de recours d’un prestataire.
Si rien n’est prévu dans l’AC, interroge l’acheteur sur le sujet. Partir sur de bonnes bases surtout si on entend travailler ensemble sur la durée mérite de “guider” l’acheteur et lui montrer des pistes d’améliorations permettant d’assainir votre future collaboration.
Accord cadre donnant lieu à la passation de MS
Tous les termes ne sont pas fixés dans cet AC contrairement au précédent. Ces termes feront l’objet d’une mise en concurrence si l’AC est multi-attributaires ou d’une éventuelle négociation s’il est mono attributaire dans le cadre des marchés subséquents (MS).
Les termes non fixés peuvent être :
- le prix
- les quantités
- le calendrier d’exécution
- autres
Le MS précise les caractéristiques et les modalités d’exécution des prestations si elles n’ont pas été fixées dans l’AC.
C’est un marché pris en application des clauses de l’AC. Il ne peut modifier substantiellement les termes de l’AC.
C’est donc est un marché public d’exécution. Il se raccroche nécessairement à un AC préexistant.
A par cela, il peut revêtir n’importe quelle forme :
- un marché alloti (décomposé en lots),
- un nouvel AC à bons de commande voire à MS,
- un marché à tranches (avec tranche(s) ferme(s) et tranche(s) optionnelle(s) [on voit cette notion dans un prochain article].
- et peut donner lieu à mise en concurrence ou non en fonction du nombre d’attributaires de l’AC dont il dépend.
En cas d’Accord cadre mono attributaire =un seul attributaire
L’acheteur public peut te demander de compléter ton offre, prévoir une phase de négociation suite à un effet volume par exemple.
Comme tu es seul, on va être clair tu n’es pas obligé d’accepter la négociation. Le seul risque est que si ton AC est d’une durée d’un an reconductible 3 fois sans pouvoir excéder 4 ans selon la formule consacrée, l’acheteur ne reconduise par l’accord cadre à la fin de la première période. Donc à ce jeu, tu gagnes un an voire plus si la relance de l’AC représente plus d’inconvénient que d’avantage pour l’acheteur public. Tout est question de dosage et de … poker !
En cas d’Accord Cadre multi-attributaires = plusieurs attributaires
L’intérêt de l’AC consiste à la rapidité et la simplicité de la remise en concurrence des attributaires de l’AC pour la passation des MS.
La mise en concurrence prend la forme d’une consultation par écrit adressé aux titulaires de l’AC avec un délai suffisant pour déposer son offre.
Les offres remises doivent respecter le cahier des charges de l’AC éventuellement complété par celui du MS.
Le MS est attribué à celui qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse (OEPA), [on voit cette notion dans un prochain article], conformément aux critères d’attribution fixés par l’AC pour l’attribution des MS.
Tu l’as compris, si tu n’es pas le mieux disant lors des mises en concurrence, tu n’obtiendras pas de MS.
⚠️ il est très courant que l’acheteur public prévoit des pénalités si tu ne réponds pas à la mise en concurrence des MS⚠️.
Lit bien le CCAP (Cahier des Clauses Administratives Particulières) et si c’est le cas prévoit de remettre systématiquement une réponse.
On récapitule :
- L’accord cadre est une forme particulière de marché public.
- C’est une technique d’achat qui permet de présélectionner les entreprises (candidature et offre) et de contracter avec elles quand le besoin survient par l’émission soit d’un bon de commande soit d’un marché subséquent (MS).
- L’AC peut être mono attributaire ou multi-attributaires, comporter un mini/ maxi l’un ou l’autre ou aucun des 2.