Bienvenue dans le jargon des marchés publics ! 😉 Si tu as déjà rencontré ces notions, c’est plutôt bon signe. Cela signifie que tu as eu la curiosité de regarder un dossier d’appel d’offres, surmonté, du même coup, pas mal d’a priori et que tu as envie de te faire une idée par toi même.
Aujourd’hui on voit les DPGF, BPU et DQE, les riri fifi loulou des marchés publics.
Ils se ressemblent mais ils ne sont pas tout à fait pareil. Ce sont, tous les 3, des pièces financières à compléter mais quelles différences et quelles implications pratiques ?
Parce que, les définitions c’est bien, mais ce qu’elles impliquent concrètement c’est ça qui va te servir.
Tu es au bon endroit on en parle tout de suite.
Comme dans tout métier il y a des sigles et des raccourcis. Quand on ne les connaît pas, ça ajoute une complexité à une matière qui n’est déjà pas très intuitive, il faut bien l’avouer.
La DPGF
Définition
Littéralement cela signifie Décomposition de Prix Globale et Forfaitaire.
Elle est souvent utilisée en marché de travaux mais pas seulement.
Elle suit habituellement la trame du CCTP (cahier des clauses techniques particulières). Elle en est le pendant chiffré.
Comme son nom l’indique, elle est utilisée dans les marchés forfaitaires. Tu es rémunéré pour réaliser une prestation, quelles que soient les quantités nécessaires à cette réalisation.
Par conséquent, la DPGF n’est pas contractuelle, en principe. Seul le montant total, c’est à dire le montant forfaitaire, est reporté à l’acte d’engagement (AE) qui lui est une pièce contractuelle.
Attention néanmoins, certains acheteurs précisent le contraire dans le dossier de consultation. Tu dois regarder ce qui est précisé dans le CCAP (Cahier des clauses administratives particulières) et plus particulièrement dans le paragraphe sur les pièces contractuelles. C’est là que sera indiqué si la DPGF est contractuelle ou non.
Est-ce que cela signifie que l’on peut se contenter de mettre un total au DPGF est basta ? On le voit tout de suite…
A compléter obligatoirement ou non ?
Légalement, tu peux ne pas la compléter mais tu prends des risques. La réglementation est totalement muette sur le fait d’assortir un marché forfaitaire d’une DPGF. Par principe, et en cas de silence dans les pièces du marché, la DPGF n’est pas contractuelle donc pourquoi s’embêter à la compléter ?
MAIIISSSS
Tu n’es pas à l’abri d’une petite phrase dans le RC (Règlement de la consultation) qui indique que « la DPGF doit être complétée en totalité sous peine de voir l’offre déclarée irrégulière ». Et un acheteur public n’est jamais obligé de régulariser une offre irrégulière quel que soit la procédure.
Je ne suis pas sûre, qu’en cas de contentieux, cette petite phrase suffise à rejeter ton offre mais le but n’est pas tant de faire jurisprudence que de remporter le marché.
Moralité, je te conseille de ne pas jouer et de compléter la DPGF.
Pourquoi ? Parce que tu as les éléments pour le faire et c’est bien la somme des postes de la DPGF que tu as chiffré qui t’as permis de construire ton offre de prix. Donc sois transparent !
Si tu ne le fais pas, ça ne rassurera pas l’acheteur qui va se demander si tu as tout lu, tout compris de son besoin et tout chiffré.
L’acheteur public n’a pas l’obligation de te communiquer une DPGF. S’il le fait, finalement cela simplifie le travail pour toi, on ne va pas se mentir. Cela te permet d’aller plus vite dans des délais déjà contraints. Donc joue le jeu.
De toi à moi , dans la grande majorité des cas, tu auras une DPGF dans le cahier des charges. Pourquoi ? Parce qu’en matière de construction, nature de marché qui regroupe quand même beaucoup de cas d’utilisation de la DPGF, l’acheteur est accompagné d’un maître d’oeuvre (Moe). Dans la mission du Moe, ce dernier doit rédiger le cahier des charges techniques et donc la DPGF pour déterminer l’estimation des travaux . Cela permet à l’acheteur public de vérifier que le chiffrage du maître d’oeuvre est bien conforme au programme et au budget dédié à l’opération.
Une petite histoire …
Pour la petite histoire, un candidat a un marché avait cru bon de joindre à son offre une DPGF qu’il avait créé de son propre chef pour expliquer son prix global et forfaitaire en réponse à un marché qui n’en contenait pas. Cet effort louable de transparence pour expliquer son prix a été récompensé par l’acheteur…. par un rejet de son offre en se basant sur le fait que le prix détaillé ne devait pas être fourni dans les marchés à prix global et forfaitaire. Un comble, non ? Euhh oui on peut dire ça ou autre chose… 🤬
Le candidat évincé n’a pas été au procès mais a saisi un élu. Ce dernier a posé une question écrite au gouvernement sur le bien-fondé de la réponse qui avait été faite à son administré. La réponse est sans surprise. La réponse de l’acheteur public était irrégulière. Un surcroît d’information ne peut nuire à une offre.
Référence Rep ministérielle n°01806 JO Sénat 18 janvier 2018 JC Masson.
A quoi sert la DPGF ?
Elle sert au stade de l’analyse des offres et en cours d’exécution du marché.
Au cours de l’analyse des offres
Elle permet à l’acheteur de :
- vérifier comment tu as formé ton prix,
- vérifier qu’il n’y a pas eu d’oubli dans ton chiffrage,
- voir les prix sur lesquels tu es compétitif, ceux sur lesquels tu l’es moins et préparer la phase de négociation, le cas échéant.
En cours d’exécution du marché
- Elle sert de base au chiffrage des avenants en cas de modifications des prestations.
C’est notamment le cas en marché de travaux quand une “sujétion technique imprévue” intervient en cours de chantier. C’est très fréquent, quand tu travailles sur de l’existant, en réhabilitation.
C’est également le cas des demandes additionnelles en cours de marché par l’acheteur public. Même si ton marché est un forfait, il ne peut pas absorber tout et n’importe quoi. Le forfait correspond à ce qui est décrit dans le CCTP. Ce qui n’y est pas écrit et décrit est donc du hors forfait et doit faire l’objet d’un avenant.
Autre pratique très très fréquente, en marché de travaux en tout cas, c’est le sport “des plus et des moins”. En quoi ça consiste en en quoi la DPGF est utile à l’acheteur ?
- La DPGF et la “pratique des plus et des moins”
Elle permet également à l’acheteur de négocier les prestations en plus (les plus-value) et les prestations en moins (les moins-value) du chantier.
Cette pratique, très très fréquente, est en fait un palliatif à une définition du besoin imparfaite. La définition préalable du besoin est un concept qui devrait permettre dans le meilleur des mondes une exécution du marché fluide et sans surprise.
La réalité est un peu différente. Le besoin est rarement bien identifié dès le départ. Un certain flou, sujet à interprétation, peut ressortir du cahier des charges technique (CCTP) quand ce n’est pas tout simplement dû à des oublis.
Quand c’est le cas, 3 solutions sont possibles :
-
- Le CCTP n’est pas clair sur le sujet, voire ne décrit pas cette prestation. L’acheteur propose un avenant en plus value. Il n’y a pas de sujet. C’est le meilleur des cas.
-
- Le CCTP n’est pas clair sur le sujet, la prestation peut être vue comme induite (argumentation côté acheteur public) comme non induite et du coup non comptabilisée (argumentation côté entreprise). La DPGF servira dans ce cas. Le prix, du poste ou de la ligne en question, sera un indice important sur le caractère induit ou non de la prestation sujette à discussion. De manière très factuelle, l’acheteur public aura des difficultés à soutenir que tel prix comprenait une sous prestation induite vu le montant proposé par l’entreprise. Cela sera d’autant plus flagrant s’il a été accepté tel quel par l’acheteur sans aucune interrogation de l’entreprise au moment de l’analyse des offres pour s’assurer de ce que comprenait le prix.
-
- Le CCTP n’est pas clair voire muet sur le sujet. L’acheteur se sait pris en défaut et va essayer de “déshabiller” un peu son besoin avec des ”moins-value” pour pouvoir faire “absorber” les plus-value à son contractant. L’objectif est de garantir un relatif équilibre du montant du marché ou tout du moins de contenir l’hémorragie (je voulais dire l’augmentation 😉) dans le « domaine de l’acceptable ».
Le domaine de l’acceptable pour un acheteur public, c’est 15% pour les marchés de travaux et 10% pour les marchés de service et ou de fourniture. Au-delà, le passage en commission marchés est obligatoire. Ça va donc se voir et autant que possible l’acheteur veut rester autonome dans la gestion de son dossier.
Référence : R 2194-8 CCP
Le BPU
Il existe plusieurs types de BPU. Des BPU “classiques” dans lesquels tu renseignes tes prix unitaires de manière “libre” et des BPU déjà complétés par l’acheteur public.
Le BPU classique
Littéralement cela signifie Bordereau de Prix Unitaires.
Comme son nom l’indique, il est utilisé en marché à prix unitaires et le plus souvent dans le cadre d’Accord cadres avec mini maxi ou non d’ailleurs !
Pour la notion d’accord cadres on y reviendra lors d’un prochain épisode, le sujet est vaste et on va rester focus sur notre 3 notions.
Le BPU est un document contractuel qui fixe les prix unitaires de la prestation.
L’acheteur public ne s’engage pas sur un volume de commande sur chaque ligne du BPU. Il actionnera la ligne selon ses besoins en multipliant le prix unitaire contractuel par la quantité souhaité a un instant t. Il peut également ne pas actionner certaines lignes. L’objectif pour lui est finalement de pouvoir commander selon ses besoins avec des prix connus et contractuels.
Du coup, la fixation du prix est délicate pour l’entreprise car il n’y a pas d’effet volume assuré. Idem pour le stock, si la prestation s’y prête. Difficile d’anticiper car tu n’es pas assuré de l’écouler. Or, souvent le CCTP te demandera d’être en capacité de fournir la pièce et la pose dans un laps de temps déterminé contractuel qui peut être incompatible avec les délais fournisseurs.
Quant à la rémunération, tu seras payé en fonction des quantités réellement exécutées. Du coup, pas simple de fixer ses prix et de savoir à l’avance sur quel poste ou ligne il faut faire l‘effort pour remporter le marché.
Le BPU peut être un document très long. L’objectif de l’acheteur public est d’avoir des prix contractuels pour un peu toutes les situations possibles. Mais comment l’acheteur public va t’il pouvoir comparer les offres entre elles. C’est là qu’intervient le DQE, le troisième de l’équipe. On le voit tout de suite après avoir évoqué la particularité du BPU déjà complété par l’acheteur.
Les BPU déjà complétés par l’acheteur
Les prix références sont fixés par l’acheteur public et il est demandé aux candidats soit :
- de neutraliser les prix (0%),
- les minorer avec un rabais,
- les majorer avec un pourcentage de majoration.
C’est ce pourcentage qui permettra à l’acheteur de comparer les offres de prix. Cette méthode est “légale” même si elle a fait couler beaucoup d’encre. En effet, on ne va pas se voiler la face, la liberté de fixation des prix est comme qui dirait légèrement malmenée. Il est clair, en revanche, qu’elle facilite énormément l’analyse des offres pour l’acheteur.
Dans tous les cas, cette méthode est “tolérée” donc si tu y es confronté, et bien tu joues le jeu ou tu passes à autre chose.
Le vrai problème est que si tu fais un rabais, il s’applique à toutes les lignes du BPU.
Ce n’est pas gênant si les prix de départ sont tous bien calibrés mais c’est beaucoup plus sportif si ce n’est pas le cas.
Si un prix, par exemple, est bien en dessous du prix du marché, si tu décides de faire un rabais de 10% au global (pas le choix) et que sur la première année ce prix est commandé un grand nombre de fois, cela peut casser l’équilibre de ton contrat.
A bien regarder du coup…
Le DQE
Littéralement cela signifie Détail Quantitatif Estimatif.
Il est utilisé pour les marchés à prix unitaire et il ne peut être tout seul, il accompagne forcement le BPU.
Il n’est pas obligatoire et ce n’est pas un document contractuel.
Quel est le rôle du DQE ?
Il sert à l’acheteur à comparer les offres entre elles lors de l’analyse des offres.
En principe, le DQE correspond soit à une commande type de l’acheteur soit à sa consommation annuelle mais il n’y a pas vraiment de règle donc difficile de s’y fier à 100%.
Ce qui est certain c’est que ce sont les prix les plus représentatifs pour l’acheteur qui y figurent avec des quantités permettant de penser que plus elles sont importantes plus elles seront sollicitées lors de l’exécution du marché.
Si tu dois faire un effort de prix c’est donc sur les articles contenus dans le DQE. ATTENTION les prix unitaires doivent être les mêmes que dans le BPU et tu ne peux pas conditionner ton prix aux quantités indiquées dans le DQE.
Le DQE servira à noter ton prix lors de l’analyse des offres. Par conséquent, si tu arrives à proposer des prix compétitifs sur les articles repris dans le DQE et si c’est le seul paramètre pour noter le prix (voir le Règlement de la consultation), tu devrais être bien noté sur ce critère. Tu pourras donc te rattraper sur les autres prix du BPU. Attention néanmoins, il faut quand même que tu t’en sortes FINANCIEREMENT si d’aventure l’acheteur public ne commandait que les articles du DQE… Tout ça est à bien penser et peser…
Le DQE n’est pas contractuel. L’acheteur n’est donc pas tenu de commander les quantités et articles contenus dans le DQE.
Un dernier mot sur le DQE…. Le DQE peut être masqué.
Le DQE masqué…. 🦹♂️
Et oui l’acheteur public ne sait plus quoi inventer.
Un DQE masqué est un DQE qui n’est pas communiqué aux candidats. Il est élaboré avant la remise des offres et sert à comparer les offres entre elles et à les noter.
L’acheteur est tenu d’indiquer dans le RC qu’il va utiliser un DQE masqué pour l’analyse des offres. Il peut également indiquer qu’il a rédigé plusieurs DQE masqués. Soit, il en tirera un au sort pour comparer les offres, soit il en cumulera plusieurs pour comparer les offres. Les combinaisons sont multiples.
Tu ne sauras pas les postes où il serait bon de faire un effort car correspondant au 80/20 des besoins de l’acheteur et ça c’est un peu embêtant. C’est un peu le loto pour choisir les postes sur lesquels il faut faire un effort.
C’est une technique qui n’est pas la plus courante mais elle existe, un homme averti en vaut 2…
En résumé ce qu’il faut retenir :
DPGF = En principe NON CONTRACTUEL = marché à prix forfaitaire (le total)
BPU = CONTRACTUEL = marché à prix unitaires
DQE = document additionnel au BPU = NON CONTRACTUEL = Marché à prix unitaires